
Le secret de Léa
Léa, 41 ans, le teint pâle sous la lumière crue de l'écran, était encore au bureau à 21h30. Les dossiers qui s'empilaient sur son bureau témoignaient de journées marathons dans un cabinet d'avocats réputé de la capitale. Droit des sociétés, fusions-acquisitions, audits : son quotidien effréné était rythmé par les appels et les notifications qui fusaient de son téléphone.
Paris, symphonie assourdissante, ne l'atteignait plus. Seule l'urgence la maintenait éveillée, le café froid était devenu sa seule source de réconfort. Rentrer dans son appartement parisien, vide depuis son divorce, n'était guère plus attrayant. La solitude, cette compagne amère et tenace, l'attendait patiemment.
Chaque matin, le même rituel oppressant : métro bondé, bureau, agenda surchargé, déjeuners avalés en vitesse devant l'écran, puis le silence de l'appartement, face à un miroir qui reflétait sa fatigue. L'air de Paris, irrespirable de stress et de pollution, l'étouffait.
Besoin d'air, de nature, d'une rupture. Son corps et son esprit réclamaient le calme et la chaleur du soleil. Elle aspirait à une vie authentique, où le temps serait un allié et non un tyran. Fuir cette prison dorée avant d'y perdre son âme devenait vital.
La nuit était tombée, lourde et silencieuse, dans l'appartement de Léa. Brisée par le poids de ses journées interminables, elle repoussa son dîner solitaire, une bouchée amère dans la gorge. Pour échapper à ses pensées sombres, elle ouvrit son ordinateur, cherchant une échappatoire, un souffle d'air frais. Lasse des vacances habituelles en Bretagne chez ses parents, elle se mit à naviguer sur internet, à la recherche d'une destination qui la ferait rêver, un lieu où son âme pourrait enfin se reposer.
Soudain, une image attira son attention, comme un rayon de soleil perçant les nuages : un champ de lavande ondulant sous un ciel d'azur, un village ensoleillé aux toits de tuiles rouges. Intriguée, elle cliqua, et « bnb-sud-luberon.fr » s'afficha sur son écran. Des photos de chambres d'hôtes à La Bastide-des-Jourdans défilèrent, promesses de bonheur et de tranquillité, comme un chant de sirènes. Ce fut un coup de foudre immédiat, une révélation. Ces images répondaient à son besoin de soleil, de nature, de silence, comme un écho à son âme assoiffée. Elle se mit à rêver, à se projeter loin du stress parisien, dans ce coin de paradis où le temps semblait s'être arrêté. Un désir physique de lumière, de parfums, de cigales l'envahit, comme une vague de chaleur.
Léa, femme de raison, céda à l'émotion face à cette évasion rêvée, comme un oiseau qui prend son envol. Sans hésiter, elle cliqua sur « Réserver ». Une semaine fin juillet, une évidence, une nécessité. Elle remplit le formulaire avec frénésie, le cœur battant la chamade, comme un tambour en fête. Un sentiment de libération l'envahit, comme un poids qui s'envole. Pour la première fois, elle agissait par intuition, guidée par un désir profond de bonheur, comme un instinct retrouvé.
Ordinateur fermé, Léa se sentait apaisée, une douce impatience remplaçant le stress, comme un ciel qui s'éclaircit après l'orage. Ce voyage serait différent, elle en avait le pressentiment, comme un nouveau chapitre qui s'ouvrait, une page blanche à écrire. Et cela allait là changer de ses habituelles vacances chez ses parents en Bretagne, où les vagues et le vent ne parvenaient pas à apaiser son âme. Le Sud Luberon lui réservait bien plus que des paysages, peut-être un secret, une rencontre, une révélation, comme un trésor caché.
L’appel du Sud Luberon
L'appartement de Léa, ce matin-là, était encore plongé dans une pénombre matinale, comme une grotte fraîche et silencieuse. Bien que décoré avec goût et sobriété, il résonnait comme une cage dorée, un écrin luxueux mais étouffant, où l'âme s'étiolait. Les rideaux de lin gardaient jalousement l'ombre, comme des sentinelles fidèles, tandis que le jour naissant, timide, frappait à la fenêtre sans succès, comme un mendiant à la porte d'un palais. Un silence pesant, presque palpable, régnait, seulement troublé par le léger crissement du parquet sous ses pieds nus, comme un murmure de feuilles mortes.
Après son café avalé en silence, comme une potion amère, Léa s'était préparée avec une mécanique apprise, une routine sans âme, enfilant son pantalon, un chemisier blanc, des baskets, comme une armure pour affronter la journée. En se regardant une dernière fois dans le miroir de la salle de bain, elle avait perçu sur son visage un sourire timide, encore fragile, mais véritablement empli d'espoir, comme une fleur qui perce le béton. Un sourire qui n'appartenait pas au monde des tribunaux, mais à celui, plus doux et authentique, de ses aspirations profondes, comme un chant d'oiseau dans la forêt.
Puis vint le moment du départ, comme une délivrance. Sans précipitation, mais avec une détermination nouvelle, Léa ferma sa valise, comme on ferme un livre dont on a lu la dernière page. Ce n'était pas seulement une valise qu'elle bouclait, mais symboliquement un chapitre de sa vie parisienne, une vie de labeur et de solitude. Elle jeta un dernier coup d'œil circulaire à l'appartement, comme un adieu à un vieil ami. Il avait été le théâtre de sa vie trépidante, de ses succès professionnels, mais aussi de sa solitude et de son épuisement, comme un décor de théâtre après la représentation.
Elle héla un taxi dans la rue encore endormie, où les pavés luisaient sous la lumière naissante, comme des écailles de poisson. L'air matinal était frais, légèrement humide, portant l'odeur de la ville qui se réveillait. Paris se réveillait doucement, étirant ses membres engourdis, mais Léa se sentait déjà détachée de son effervescence habituelle, comme un navire larguant les amarres. Assise à l'arrière du taxi, elle regarda défiler les rues, les immeubles, les ponts, ces images familières qui, soudain, semblaient appartenir à un autre monde, un monde qu'elle s'apprêtait à quitter, comme un acteur quittant la scène. Une douce mélancolie se mêlait à son impatience grandissante, comme un regret fugace.
L'arrivée à la Gare de Lyon fut un contraste saisissant, un choc brutal. Après le calme relatif de son appartement et des rues matinales, la gare était un véritable bouillonnement d'activité, une ruche bourdonnante. Le hall immense résonnait des annonces, du roulement des valises, du brouhaha des conversations, comme un orchestre désaccordé. Une foule hétéroclite se pressait, chacun absorbé par son propre voyage, son propre destin.
Mais Léa, au milieu de cette agitation, se sentait étonnamment calme, comme un rocher au milieu des vagues. Elle avait une destination, un but : le Sud, le Luberon, un ailleurs prometteur, une terre promise. Avec sa valise à roulettes, elle se dirigea vers le hall de départ du TGV, comme un pèlerin vers son sanctuaire. L'écran géant affichait les destinations, les heures, les numéros de quai. "Aix-en-Provence - TGV 6801 - Voie 7". Les mots sonnaient comme une invitation au voyage, une promesse d'évasion, comme un chant lointain. En descendant sur le quai, Léa aperçut le TGV, long serpent d'acier, prêt au départ, immobile et puissant. Un léger frisson d'excitation la parcourut, comme une brise fraîche.
Installée à sa place, près de la vitre, Léa sentit le train s'ébranler doucement, comme un géant qui s'étire. Paris s'éloignait, déjà, elle pouvait apercevoir les faubourgs puis la campagne se dessiner à l'horizon, comme un tableau qui se révèle. Elle ferma les yeux un instant, savourant ce moment précis, ce basculement vers l'inconnu, comme un plongeon dans une eau fraîche. Un sentiment de libération l'envahit, comme un oiseau qui prend son envol. Le Sud l'attendait, avec ses promesses de soleil et de silence. Le voyage, plus qu'un simple déplacement géographique, était un véritable départ vers une nouvelle expérience, une renaissance.
À présent, le TGV filait à toute allure, bercé par le rythme régulier des rails, comme un coursier infatigable. Léa, les yeux fermés, se laissait emporter par le mouvement, comme une feuille emportée par le vent. Un léger sourire flottait sur ses lèvres, comme une promesse de bonheur. Elle imaginait déjà les cigales qui chantent dans les pins, le soleil qui caresse la peau, l'odeur de la lavande qui embaume l'air, comme un avant-goût du paradis.
Soudain, une voix retentit dans les haut-parleurs, avec un accent traînant typique des annonces SNCF, comme un chant lointain : "Mesdames et messieurs, voyageurs à destination de Marseille, nous vous informons que le train va marquer un arrêt exceptionnel en gare de Lyon Saint-Exupéry dans quelques minutes. Nous vous remercions de votre patience."
Les yeux de Léa s'ouvrirent en grand, comme des fenêtres sur un nouveau monde. Lyon déjà ? Elle avait l'impression de n'avoir fermé les yeux qu'un instant, comme un rêve évanescent. Le TGV marqua un bref arrêt, le temps de laisser monter et descendre quelques voyageurs, puis il repartit, plus rapide que jamais, comme un cheval de course. Les paysages défilaient à toute vitesse : Valence, Montélimar, Orange... Léa les reconnaissait à peine, comme des images floues. Elle sentait une excitation douce monter en elle comme une caresse, une promesse de bonheur.
Puis, par la fenêtre, elle vit le soleil du matin inonder la campagne provençale, comme un déluge d'or. La lumière était si vive qu'elle en fut presque éblouie, comme un voile qui se lève. Avignon ! Là, elle savait qu'elle approchait du but, ce n'était plus qu'une question de minutes, comme l'attente avant une grande fête.
Enfin, une voix annonça : "Votre attention, le train entre en gare d'Aix-en-Provence dans quelques secondes." Léa se leva, le cœur léger comme une plume, l'âme en fête. Elle prit son sac à dos, sa valise et se dirigea vers la sortie, comme un oiseau quittant sa cage. Sur le quai, elle respira profondément l'air du sud, lourd de promesses. Un sourire radieux illumina son visage, comme un soleil levant. Elle était arrivée, la voyageuse au bout de son chemin.
En descendant du train à Aix-en-Provence, Léa fut instantanément baignée par la lumière, comme un baptême de soleil. Un ciel d'un bleu incandescent, d'une intensité presque oubliée dans le tumulte parisien, laissait filtrer un soleil déjà généreux, caressant sa peau encore pâle, comme une main chaleureuse. La lumière ici, vibrante et dorée, n'avait rien à voir avec la clarté laiteuse de Paris ; elle était presque palpable, emplie d'une chaleur douce, comme un miel doré.
Sur les dalles chaudes du quai, son hôte Marius, soixante-neuf vendanges au compteur, l’attendait, droit comme un cyprès, le regard pétillant des reflets d'un ciel d'azur, défiant l'empreinte des ans. Sa voix, grave comme le murmure des oliviers centenaires, portait l'accent d'Aix, une symphonie de soleil et de garrigue, caressant l'âme comme une brise tiède. Un sourire malicieux ourlait ses lèvres, illuminant son visage buriné par le mistral et les rires partagés, promettant des récits bercés par le chant des cigales et le parfum des pins.
Sourires chaleureux, gestes accueillants, et cet accent chantant, mélodieux, se manifestaient déjà dans les phrases de Marius. Dès les premières paroles échangées, Léa se sentit enveloppée d'une bienveillance réconfortante comme une douce brise d'été.
- « Léa, c’est bien vous ? »
- Léa se retourne, un peu surprise.
- « Oui. »
Marius, de sa voix grave et son accent :
- « Bienvenue en Provence ! Moi, c'est Marius ! »
- Léa lui répond avec un petit sourire : « Moi, c'est bien Léa ! Bonjour Marius ».
- Alors, le voyage en TGV s'est bien passé ?
- Pas trop fatiguée ? »
- « Très bien, merci »,
répondit Léa avec un sourire un peu timide, ses yeux encore habitués à la pénombre des wagons s'ouvrant à la lumière intense.
- « Un peu long, mais tellement plus rapide que la voiture ! Et le paysage devient magnifique à partir de Valence ! »
Marius répliqua :
- « Ah oui, c’est un peu la limite du Sud, la Provence n’est plus très loin ! »
S’approchant de Léa, en reprenant une citation de Jean Giono qu’il l’avait un peu arrangé pour la circonstance :
- « La Bastide-des-Jourdans, c’est autre chose que loin ! c’est ailleurs !, laissez-moi vous conduire… Allons, allons, Mademoiselle, l'aventure vous appelle ! »
S'exclama Marius, un sourire radieux illuminant son visage. D'un geste empressé, il saisit la valise de Léa et la guida vers le parking, où une voiture de location les attendait, prête à les emmener vers de nouvelles découvertes.
- « Vous allez voir, Mademoiselle Léa, vous ne serez pas déçue ! La Provence est une terre de contrastes, où la nature sauvage et les villages pittoresques se côtoient harmonieusement. Vous y trouverez la sérénité que vous cherchez, et bien plus encore... »
Puis, avec un brin de malice dans la voix, il ajouta :
- « Paris, c'est très beau, j'aime beaucoup, mais mieux vaut y être en touriste ! Ici, vous serez une vraie Provençale, une habitante à part entière, immergée dans notre culture et notre art de vivre. Vous découvrirez les secrets de notre terroir, les saveurs de notre cuisine, la chaleur de notre accueil... »
Et, les yeux brillants de passion pour sa région, il conclut :
- « La Provence, Léa,… vous permettez que je vous appelle Léa ? »
- « Oui, je vous en prie ! »,
rétorqua Léa.
- « La Provence c'est bien plus qu'une simple destination, c'est une expérience unique, un voyage au cœur de l'âme. Laissez-vous envoûter par sa magie, et vous en repartirez transformée, enrichie de souvenirs inoubliables. »
Ajouta-t-il avec un clin d'œil complice.
À peine sortis de la gare TGV d'Aix-en-Provence, tandis que la gare s'éloignait dans le rétroviseur, une zone d'activités se dévoilait, où les bâtiments modernes et fonctionnels se côtoyaient, comme des cubes de verre et d'acier. Bien que l'activité économique fût palpable, il n'y avait point de cheminées d'usines, ces monstres de brique et de suie. Au lieu de cela, il s'agissait plutôt d'entreprises du secteur tertiaire, de bureaux et de sièges sociaux, dont les façades vitrées reflétaient le ciel azur, comme des miroirs géants. De temps en temps, en se rapprochant de la ville d’Aix, quelques panneaux publicitaires d’une zone commerciale vantaient les mérites d’enseignes nationales ou les services de sociétés innovantes, comme des promesses éphémères.
Puis, peu à peu, sur la Route des Alpes, les bâtiments industriels s'espacèrent, la nature reprenant ses droits, comme une marée verte. Des champs de céréales, d'un blond doré parsemé de coquelicots, apportaient une touche de couleur et de poésie au paysage, comme des tableaux impressionnistes. Bientôt, après avoir dépassé le coquet village de Venelles, ce fut une explosion de nature, car la large plaine de Pertuis s'étendait désormais à perte de vue, comme un océan de verdure. Là, point de Durance tumultueuse, mais plutôt un patchwork de cultures baigné de lumière, comme un jardin secret. En effet, des champs de maraîchères, alignés au cordeau, offraient une palette de verts tendres et profonds, comme des tapis de velours. Les cerisiers, eux, avaient déjà donné leurs fruits, de sorte que seuls leurs alignements réguliers, comme autant de soldats en rang, témoignaient encore de la générosité passée de la saison, comme des fantômes de l'abondance. De plus, çà et là, des champs d'asperges, dressées vers le ciel, témoignaient de la richesse de ce terroir, comme des offrandes à la terre.
Enfin, en toile de fond de ce tableau idyllique, le Grand Luberon, une gigantesque masse bleutée, imposante et protectrice, qui semblait veiller sur la plaine et ses habitants, comme un félin endormi. Ses flancs, encore verts en cette saison, promettaient de belles balades et des découvertes pittoresques, comme des invitations à l'aventure.
Léa était déjà sous le charme, car elle se sentait loin de l'agitation citadine, apaisée par la douceur des paysages et la promesse d'une nature généreuse, comme un baume sur son âme. La Provence s'offrait à elle, dans toute sa splendeur, ce qui la comblait de joie, comme un cœur qui retrouve son rythme.
Le véhicule traversant le pont sur la Durance, Marius, en bon guide, commentait le panorama avec enthousiasme :
- « Voilà nous venons de quitter le département des Bouches du Rhône, bienvenue en Vaucluse ! »
La Durance, majestueuse, apparut sous le pont de Pertuis. Ses eaux turquoise, d'une limpidité cristalline, serpentaient paresseusement entre les galets blancs. Le soleil d'été, ardent et généreux, caressait la surface de l'eau, faisant scintiller les reflets et réchauffant les galets, comme des diamants éparpillés.
En cette saison estivale, le débit de la Durance était faible, conséquence de la sécheresse du climat provençal. Les graviers gris et blancs, habituellement recouverts par les eaux tumultueuses de la rivière, étaient désormais visibles, offrant un spectacle unique, comme un paysage lunaire. On pouvait apercevoir les différentes strates de roches, usées par le temps et par la force de l'eau, comme les pages d'un livre ouvert.
Malgré la sécheresse, la Durance conservait sa beauté sauvage et indomptable, comme une reine indifférente aux saisons. Ses eaux turquoise, d'une fraîcheur bienvenue en cette chaude journée d'été, invitaient à la baignade et à la détente, comme une promesse de fraîcheur.
Des cerisiers, des oliviers, avec leurs troncs noueux et leur feuillage argenté frémissant sous la brise légère, ponctuaient le paysage de touches méditerranéennes, comme des notes de musique sur une partition.
Puis, passé le bourg de Pertuis, avec ses maisons aux toits rouges ocre serrées autour de son clocher trapu, la route se faufila comme un ruban de soie au travers des champs de vignes ondoyants, alignés au cordeau, leurs feuilles d’un vert sombre poli luisant au soleil ardent, comme des miroirs scintillants.
Des murets de pierres sèches, chaque pierre blanchie par le temps et patinée par le soleil, délimitaient les parcelles, ajoutant une touche minérale et argentée au tableau, comme des dentelles de pierre. L'air s'embaumait déjà de parfums chauds et végétaux, une symphonie olfactive mêlant les senteurs de la terre sèche et poussiéreuse, des herbes aromatiques froissées par le vent léger, et les premiers effluves fruités des vendanges prochaines, promesses de jus sucré et ensoleillé, comme un avant goût du paradis.
Bientôt, les vignes laissèrent place à quelques oliveraies séculaires, leurs troncs noueux et tortueux se dessinant comme des sculptures vivantes et immobiles sur les pentes douces, comme des gardiens du temps. Leur feuillage gris-vert frémissait au vent, révélant par instants le dos argenté de leurs feuilles, tel un murmure métallique sous le soleil, comme un chant secret.
Après avoir dépassé le village de La Tour d’Aigues, dont elle aperçut tout près, dominant les toits de tuiles rougies par le soleil, l'imposante façade ocre jaune de son château Renaissance, comme un fantôme majestueux veillant en silence sur la Vallée d’Aigues, témoin d'un passé fastueux, le paysage changea encore, se fit plus sauvage. La route se mit à serpenter davantage, montant doucement vers des collines plus arides, où la végétation composée essentiellement de chêne vert et de pins rugueux, laissant apparaître parfois la pierre blanche et calcaire, échauffée par le soleil, comme une peau brûlée.
Et là, au détour d'un virage, comme une apparition surgissant du passé, le village de Grambois apparut dans toute sa splendeur, perché sur son rocher tel un nid d'aigle de pierre. La lumière du soleil montant doucement vers le zénith dorait ses maisons de pierre, soulignant les nuances ocre et orangées des façades, chaque pierre semblant absorber la lumière et la restituer en une douce chaleur, comme un cœur qui bat. Sa silhouette médiévale, fière et intemporelle, se découpa nettement sur le ciel bleu immaculé, c'est magnifique ! Magnifique…
Le mot était faible, ridicule même, pour décrire l'émotion qui la submergea à cet instant. Ce n'était pas seulement la beauté évidente qui la frappait, c'était quelque chose de plus profond, une vibration, une résonance intime avec ce lieu hors du temps, comme si son âme reconnaissait un paysage longtemps rêvé. J'adore ! Non, plus qu'adorer. C'était un véritable coup de foudre, une affinité immédiate, irraisonnée, pour ce village accroché au ciel, tel un aimant attirant son cœur, comme une promesse retrouvée.
Dans son cœur, une petite voix murmura, presque imperceptible : "J'y reviendrai". Comme une certitude douce, une promesse silencieuse qu'elle se faisait à elle-même, gravée dans l'instant présent, comme un serment secret.
Léa, les yeux grands ouverts, absorbait chaque détail, fascinée, comme une enfant devant un spectacle merveilleux. Elle sentait déjà la douceur de vivre provençale l'envelopper, comme une écharpe de soie chaude sur ses épaules, comme un secret partagé.
La Bastide-des-Jourdans, son village d'adoption pour la semaine, n'etait plus qu'à quelques minutes, comme une promesse tenue. Elle avait hâte de découvrir sa chambre d'hôte et de commencer son exploration de la Vallée d'Aigues, laissant derrière elle le poids du quotidien parisien, comme un fardeau abandonné.
Ils arrivèrent bientôt à La Bastide-des-Jourdans, ses maisons serrées les unes contre les autres, comme des confidences chuchotées. Encore quelques centaines de mètres après le petit rond-point, Marius tourna à droite.
- « Nous voici arrivés au Mas de Terres Longues ! »
annonça-t-il en ralentissant devant un haut mur de pierre blonde qui bordait la route, comme un rempart protecteur.
Un portail en fer forgé, simple et élégant, se dévoila, comme une invitation. Il était orné d'une discrète frise à la grecque. Marius actionna la télécommande, et le portail s'ouvrit avec un léger grincement mélodieux, comme un soupir de bienvenue, sur un chemin en légère pente bordé de cyprès de Florence élancés se balançant doucement dans le vent, comme des sentinelles. Léa découvrit alors la propriété, un havre de paix. Sur la droite, un espace verdoyant accueillait une voiture, à l'ombre bienfaisante de deux grands pins parasols, comme des gardiens.
Le chemin continuait vers une bastide typiquement locale, qui se dressait dans toute sa splendeur provençale, comme une reine. La façade, d'un enduit de chaux clair tirant sur l'ocre jaune, était percée de fenêtres aux volets d'un bleu profond, « bleu Tombero », précisa Marius, comme un secret partagé. Une génoise de tuiles anciennes soulignait la toiture à deux pentes, comme une couronne. La grande porte d'entrée en noyer, moulurée et panneautée, était encadrée de pierres taillées dans de la roche d’Espeil, comme un trésor.
La maison se présentait façade Nord, fraîche et accueillante. Face à la porte, sur un petit « Bancaou » supportant quelques rangées de vignes et un coin « jardin de Curé » de plantes aromatiques exhalant un mélange d’un parfum de menthe poivrée et de citronnelle, des oliviers terminant leur floraison prodiguaient leur ombre mouchetée de taches de soleil sur le mur de pierre blanche patinée par le temps, comme une bénédiction. Une treille en fer couverte de vigne courait au-dessus d'un petit bassin en pierre d'où jaillissait un léger murmure d'eau, comme une douce confidence, un chant secret. Un banc de fer et une petite table invitaient à la rêverie, promettant des heures de lecture ou de méditation paisible, comme une promesse de bonheur.
Jeannette attendait Léa sur le seuil de la porte, le soleil jouant dans ses cheveux bruns, comme des fils d'or. Elle s'avança avec un sourire chaleureux, qui illuminait son visage, comme un rayon de soleil.
- « Léa, bienvenue chez nous ! Je suis Jeannette. Alors, première impression ? »
Sa silhouette était agréable, jeune malgré ses cinquante-huit ans que le soleil avait joliment hâlés, comme une terre cuite. Ses cheveux bruns, tirés en arrière en une queue de cheval, lui donnaient un air un peu sévère au premier abord, vite démenti par la douceur de son regard clair et accueillant, comme un ciel d'été.
- « C'est… magnifique ! Beaucoup plus beau que sur les photos », balbutia Léa, encore sous le charme, les yeux brillants d'émotion, comme des étoiles.
- « Dites-moi, vous avez fait un long voyage, n'est-ce pas ? Venez, entrez donc, vous devez avoir soif, je vais vous chercher un verre d'eau fraîche, ou peut-être aimeriez-vous autre chose ? »
proposa Jeannette en la guidant à l'intérieur, comme une mère avec son enfant.
- « Oh oui, avec plaisir, un verre d'eau fraîche serait le bienvenu »,
répondit Léa avec un sourire reconnaissant, comme une fleur qui s'ouvre.
Après avoir désaltéré Léa, Jeannette lui propose de l'accompagner à sa chambre.
- « Venez, je vais vous montrer votre chambre. »
Jeannette, en la guidant à l'intérieur, sa main se posant légèrement sur le bras de Léa dans un geste amical, comme une caresse.
- « Comme vous avez eu un long voyage, on s'est dit que vous aimeriez vous installer et vous reposer un peu avant de déjeuner. »
L'intérieur du mas était à l'image de l'extérieur : fraîche et lumineuse, sobre, élégant et baigné de lumière chaude et vibrante, comme un cocon. Le séjour, aux murs clairs et légèrement texturés, au sol en carreaux de terre cuite cirés et lustrés par le temps, mélangeait harmonieusement mobilier contemporain aux lignes épurées et pièces provençales anciennes, témoins d'une histoire familiale, comme un mélange de passé et de présent.
En traversant la pièce, la lumière du soleil se reflétait sur le sol, attirant le regard vers la porte-fenêtre ouverte qui donnait sur le sud. Jeannette ouvrit la porte et Léa découvrit une vaste terrasse pavée de dalles de pierre claire et chaude sous le soleil, à demi ombragée par une treille de fer forgé couverte de glycines aux fleurs blanches et bleues délicatement parfumées, comme un paradis.
Un mûrier platane immense aux branches noueuses et protectrices dispensait une ombre bienvenue sur la façade, comme un gardien. Une petite fontaine, adossée au mur de pierres blondes, ajoutait une note fraîche et discrète avec son doux clapotis au murmure de l'eau, comme une chanson.
Plus loin, la piscine d'une eau limpide, entourée d'une plage en bois blanchi par le soleil, invitait à la détente, promesse de fraîcheur et de farniente, comme une oasis. Une haie vive et parfumée dissimulait en partie la vue sur la forêt et séparait la terrasse du jardin en contrebas, laissant deviner une nature verdoyante, comme un secret.
- « Votre chambre est juste en dessous », indiqua Jeannette en pointant un escalier de pierre vieillie qui descendait vers le jardin. « Venez, c'est par ici, suivez-moi. »
Léa suivit Jeannette à travers le jardin, marchant sur un sentier de graviers qui crissaient légèrement sous ses pas, comme des confidences. Au détour d'un massif de lavande en fleurs, attirant les abeilles butineuses, elle découvrit un studio indépendant, niché dans la verdure, comme un secret bien gardé.
Une grande baie vitrée cintrée s'ouvrait sur le jardin, où l'herbe, un peu sèche et craquante sous le pied en plein soleil, gardait des îlots de vert plus frais à l'ombre des arbres, juste après une petite terrasse couverte et ombragée. Deux cerisiers plantés à proximité promettaient une ombre agréable et des fruits juteux en juin, comme des promesses.
Jeannette ouvrit la porte en bois clair, vitrée de carreaux bullés et aux ferrures anciennes, comme un trésor. Léa pénétra dans une pièce fraîche et lumineuse, un havre de paix après la chaleur du voyage, comme un refuge. Les murs blancs et lisses, le sol en carreaux de terre cuite cirés et légèrement rosés, les tableaux naïfs et colorés accrochés aux murs avec une simplicité charmante, créaient une atmosphère chaleureuse et cosy, comme un cocon. Le mobilier, moderne et fonctionnel, était rehaussé de quelques touches provençales anciennes, comme la commode en bois patiné et le petit miroir à glace biseautée, comme des souvenirs. Un coin cuisine entièrement équipé, une salle d'eau avec WC indépendants, des placards de rangement complétaient l'ensemble, pensés pour un séjour confortable et autonome, comme un chez soi.
- « Voilà, vous êtes chez vous ! » .
annonça Jeannette avec un sourire rayonnant, comme un soleil
- « J'espère que vous vous y plairez. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à nous solliciter. Le déjeuner sera prêt vers 13h, sur la terrasse en haut. Profitez bien de ce moment pour vous détendre. »
ajouta-t-elle avec une douceur sincère, comme une amie.
Seule enfin… Léa referma doucement la porte derrière Jeannette, comme un secret. Elle respira profondément, laissant l'air frais emplir ses poumons, un air si différent de celui, saturé et gris, de Paris, comme une libération. Un silence bienfaisant l'enveloppa, un silence doux et profond, comme une promesse de paix, une berceuse.
Un léger parfum flottait dans l'air, un parfum indéfinissable et délicat, comme un secret de Provence susurré à l'oreille, une confidence. Elle posa sa valise, ce fardeau de souvenirs parisiens, sur le porte-bagages en bois clair, comme un poids qui s'envole. Ses yeux se portèrent instinctivement vers la baie vitrée, comme un appel.
Elle l'ouvrit en grand, comme on ouvre son cœur à l'inconnu, et un souffle d'air chaud embauma la pièce, chargé des parfums enivrants de la garrigue, comme une invitation. « Enfin… », soupira-t-elle intérieurement. « Enfin ailleurs… Enfin moi… »
Elle s'avança dans le studio, comme une exploratrice découvrant un nouveau monde, un territoire inconnu. Les murs blancs semblaient vibrer sous la lumière dorée, des écrins délicats pour les tableaux naïfs et colorés, comme des fenêtres sur un autre monde. Elle s'arrêta devant l'un d'eux, une scène de village, simple et joyeuse, comme un souvenir. « On dirait un souvenir… un rêve d'enfance… », pensa-t-elle, le cœur serré d'une émotion douce-amère, comme un écho lointain.
Les couleurs vives chantaient une mélodie gaie et innocente, loin des monochromes sévères de son quotidien, comme un chant d'oiseau. Son regard se posa ensuite sur les poteries artisanales, alignées sagement sur une étagère, comme des sentinelles. « Elles ont une âme… », murmura-t-elle. « Chaque imperfection raconte une histoire… ».
Elle caressa du bout des doigts la surface rugueuse d'un vase, saisie par la beauté brute de cette simplicité, comme un trésor caché. « Ici, rien n'est lisse, rien n'est parfait… et c'est tellement plus beau… ».
Le lit l'appelait, une invitation à la paresse et à l'oubli, comme une promesse. Le couvre-lit en coton fleuri semblait murmurer des histoires de siestes ensoleillées et de nuits étoilées, comme un conte. Elle s'approcha, presque hésitante, puis se laissa tomber sur le matelas moelleux. « Comme un nuage… », pensa-t-elle, ses muscles se relâchant enfin sous cette douce pression, comme une délivrance. Le fauteuil en rotin, près de la fenêtre, semblait attendre patiemment une confidence, comme un ami fidèle. Elle s'y laissa glisser, enveloppée par les coussins accueillants, comme un cocon.
De là, la vue sur le jardin était une promesse de contemplation infinie, comme un tableau vivant. « Je pourrais rester là des heures… à ne rien faire… à juste regarder… ».
Au-delà du jardin, l’horizon se muait en un rêve parfumé et coloré, comme un mirage. Les vignes et les tournesols, tels des vagues d'or et de verdure, se déployaient sous le soleil, comme un océan. La lumière, douce et changeante, caressait les cerisiers, comme une main chaleureuse.
Les parfums de la nature l'enveloppaient, une caresse olfactive, lavande, romarin, thym, pinède, une symphonie provençale qui lui emplissait les sens, comme une musique.
Et puis, il y avait ce chant… le chant des cigales, lancinant et vibrant, qui rythmait l'air de sa mélodie solaire, comme un mantra. « C'est ça… c'est ça la Provence… », pensa Léa, les yeux fermés, le visage baigné de soleil. « Le bruit du silence… le parfum du bonheur… ». Un apaisement profond la submergea, comme une vague douce et tiède, une bénédiction.
Elle se sentait enfin allégée, débarrassée du poids du passé, ouverte à l'avenir, comme un nouveau départ. Dans ce studio baigné de lumière et de silence, au cœur de ce jardin parfumé et vibrant de vie, Léa sentait une promesse de renouveau fleurir en elle, comme une fleur. « Peut-être… peut-être qu'ici… je vais enfin me retrouver… ».
Soudain, une cloche tinta à deux reprises, c’était celle du clocher, imposante sentinelle veillant depuis des siècles sur le village, qui annonçait 13 heures, comme un appel. Il est temps de monter rejoindre Jeannette et Marius qui m'attendent pour le repas se dit Léa.
Premières Explorations : à la découverte du centre ancien de La Bastide-des-Jourdans
Après un déjeuner léger et une sieste bienheureuse, vers dix-sept heures, Léa songea avec un sourire à la sagesse de Marius :
- « Mèfi ! L'abús de penequet pòu te faire passar l'ora de l'aperitiu ! » (Attention, l'abus de sieste peut te faire manquer l'heure de l'apéro !).
Ce proverbe lui rappelait avec humour l'importance de profiter de la vie et de ne pas se laisser piéger par la paresse, même si une sieste était parfois bien tentante. Il avait raison, il fallait profiter de chaque instant. « Il faut que je bouge… que je découvre… », pensa-t-elle.
L'idée de découvrir le centre ancien de La Bastide-des-Jourdans chatouillait son cœur. Elle imaginait déjà les ruelles pittoresques, les placettes ombragées, les rencontres inattendues...
Elle quitta le domaine, comme lui avait conseillé Marius, par le petit portail du jardin, une porte secrète ouvrant sur un monde nouveau, et s'engagea sur le chemin du Pradon.
Le parfum enivrant des lavandes se mêlait aux effluves de la terre chaude, et le chant des moineaux se chamaillant dans la haie bordant le chemin, rythmait ses premiers pas.
Les paroles de Marius résonnaient en elle, comme un écho amical :
- « Pour aller au village, empruntez le chemin du Pradon, il évite de marcher au bord de la route départementale, où parfois la vitesse des automobiles y est un peu trop rapide, c’est plus sécurisant par là ! et puis c’est tout droit… vous arrivez directement dans le village… ».
Un sourire aux lèvres, Léa s'enfonça dans le chemin, impatiente de découvrir les trésors que le cœur de La Bastide-des-Jourdans lui réservait.
Ce chemin, une invitation à la flânerie, serpentait à travers la campagne, bordé de murets de pierre sèche blanchis par le soleil, d'oliviers et de mûriers aux silhouettes noueuses et sages. Le soleil de l'après-midi d'été était encore très chaud, même s'il était moins ardent qu'à midi, caressant encore la peau. Léa marchait lentement, les sens en éveil, appréciant le calme enveloppant et la beauté simple et authentique des paysages.
Elle arriva bientôt à la porte du village. La Bastide-des-Jourdans se dévoila comme une aquarelle provençale, avec ses ruelles étroites et sinueuses invitant à la découverte, ses maisons de pierre aux façades colorées ocre, rose, jaune, et ses placettes ombragées par des platanes centenaires, gardiens silencieux du temps qui passe. « C'est un village de carte postale… » Pensa Léa, charmée par cette harmonie de couleurs et de textures.
Heureusement, Léa, avocate de profession, ne se sépare jamais de son petit carnet de notes (une déformation professionnelle, peut-être ?) ni de l'appareil photo de son téléphone. Ainsi, elle peut immortaliser les noms chantants des rues et les images magnifiques de ses découvertes.
Voici son récit :
À l'extrémité du chemin du Pradon, avant de me laisser happer par le village, mon regard fut retenu, comme aimanté, par un discret oratoire sur la gauche. Sa croix de fer, rougie par les ans, semblait chuchoter d'anciennes dévotions et de traditions séculaires. Déjà, une douce mélancolie et un charme hors du temps se dégageaient de ce lieu, prélude à la découverte.
En m'approchant du cœur du village, le château de La Bastide des Jourdans se dressa devant moi, imposant, tel un gardien silencieux des âges révolus. Son histoire, apprise au fil des paroles de Marius, mon hôte, lors de notre premier déjeuner ensoleillé, me transporta aussitôt au XIIe siècle, au temps des seigneurs de Jourdan. J'imaginais les pierres palpiter des échos du Moyen Âge, puis s'épanouir sous le souffle de la Renaissance au XVIe. Tantôt forteresse austère, tantôt demeure élégante, le château incarnait l'âme de La Bastide, témoin immuable du temps qui s'écoule, conservant une aura de mystère et de grandeur qui dominait le village et mon esprit rêveur.
Je m'engageai ensuite dans la rue de la Bourgade, l'une des artères historiques du village. Ses maisons aux façades de pierre que le temps avait patinées, parées de fenêtres à petits carreaux et de portes en bois massif, témoignaient d'un passé chargé d'histoire. Çà et là, des linteaux sculptés révélaient un savoir-faire ancestral.
Mes pas me menèrent, presque instinctivement, vers l'escalier de l'église Saint-Pierre. De là-haut, une perspective saisissante s'ouvrit sur l'architecture locale, un harmonieux puzzle de toits de tuiles, de pierres aux teintes douces et de façades baignées de soleil. L'église elle-même, sans clocher, offrait une façade d'une simplicité dépouillée, une porte de chêne polie par le temps, encadrée de pierres taillées et surmontée d’une niche abritant une statue pieuse. Une humble petite croix de pierre coiffait le faîtage.
À ma gauche, j'eus l'impression de sentir l'atelier de « Nicole de la Bastide », une promesse de créativité artistique se cachant peut-être derrière une porte entrouverte. Mon regard fut irrésistiblement attiré par un tableau exposé en vitrine. C'était une scène provençale, éclatante de couleurs et d'une touchante naïveté, signée Gabriel. Je m'arrêtai, fascinée. « C'est… c'est incroyable… », pensai-je, remarquant la palette vive et lumineuse, et cette lumière si particulière qui se dégageait de la toile, une lumière vibrante et dorée, semblable à celle de l'après-midi provençal. « Il faudra que je revois cela de plus près… », me dis-je, me promettant une visite plus attentive.
Bientôt, la place de la République s'offrit à moi, cœur vibrant de La Bastide. Le doux murmure de la fontaine en son centre apportait une fraîcheur bienvenue. La place, ombragée par des platanes centenaires, se révélait un lieu de vie et de rencontres. L'atmosphère était conviviale, animée d'une douce effervescence. Juste en face à la mairie, je me laissai tenter par une halte au Bar des Sports, désirant m'imprégner de l'ambiance locale, écouter les rires et les conversations, sentir le pouls de ce village authentique.
Le temps semblait s'étirer, ralenti, bercé par le chant incessant des cigales, une mélopée hypnotique et rassurante. Des conversations animées en provençal emplissaient l'air, musique douce et entraînante que je ne comprenais pas, mais qui me berçait. Je me laissai absorber par cette atmosphère paisible et conviviale, me sentant peu à peu me fondre dans le décor, devenir une habitante de ce village hors du temps. « C'est cela… la douceur de vivre… », un sourire naquit sur mes lèvres pour la première fois depuis longtemps. « Peut-être… peut-être que je vais enfin apprendre à ralentir… à savourer l'instant… ».
Ma promenade se poursuivit par la rue de l'Église. En la longeant, je découvris en contrebas la rue Grognette et les berges du Ravin du Bois, un filet d’eau serpentant à travers le village. Cette portion de la balade m'offrit un nouveau point de vue sur le château, une perspective inattendue et enchanteresse, comme un secret bien gardé révélé au détour d'un chemin.
Mon exploration se déroula ensuite dans la Grande Rue. Elle me mena, tel un ruban de pierre, vers une placette pleine de charme où la source de Fond Basse et son lavoir se dévoilèrent. Les maisons aux façades colorées qui bordaient cette rue étaient un enchantement pour les yeux, un festival de teintes chaudes et lumineuses, témoignage du charme provençal émanant de chaque pierre, de chaque fenêtre.
J’arrivai près du lavoir, dont les pierres lisses et usées par le temps évoquaient une époque où les femmes du village venaient y laver leur linge, échangeant nouvelles et confidences. On pouvait encore imaginer le clapotis de l'eau, les rires et les chants résonnant autrefois entre ces murs, mais aussi tous les secrets qu'ils durent entendre, au cours des conversations des femmes faisant la "bugade". La "bugade", cette grande lessive collective, était bien plus qu'une corvée : un moment de partage et de solidarité.
De cette placette, la vue sur le pied de la tour ronde du château était saisissante, et le pont gracieux qui enjambait le ravin du Bois ajoutait une touche romantique au tableau. Le ravin du Bois, cette veine d'eau mystérieuse traversant La Bastide, en partie souterraine, ajoutait une dimension presque féérique à la visite, un murmure secret courant sous le village.
Me voici parvenue au carrefour de la Grande Rue, de la rue de Fihol, de la rue Notre-Dame et de la rue du Clédat. Ce point névralgique était idéal pour contempler l'entrelacement des ruelles, un labyrinthe de pierre où chaque chemin semblait promettre une nouvelle découverte, un nouveau secret. Je décidai de prendre la rue de Fihol, chemin de pierre grimpant entre les maisons comme un ruisseau capricieux, emportant avec lui les secrets du village. En montant, mon regard fut saisi par les encadrements de portes, témoins discrets de l'architecture locale, dont les détails racontaient l'histoire des lieux.
Au numéro 4 de cette rue, l’Ancien Presbytère se dressait, maison du XVIIème siècle, témoin d'une époque où la vie du village était rythmée par les cloches et les prières. J’y remarquai le porche à refends, surmonté d’un fronton à volutes, et en face, un porche à pilastres à ouverture en arrondi, comme un sourire accueillant. Le fronton était orné d’un tableau de pierre représentant une corbeille de fruits, symbole de l'abondance et de la générosité de la terre.
En continuant mon ascension, je trouvai refuge auprès de la fraîcheur de la fontaine de Fihol, oasis de sérénité où le temps semblait suspendu. L'eau claire et fraîche, le murmure du ruisseau, le chant des tourterelles, tout concourait à créer une atmosphère de paix et de tranquillité. Arrivée au sommet de la douce montée, je passai sous le portail à mâchicoulis, gardien des armoiries de la Bastide, orné d'un loup d’or passant. On pouvait aisément imaginer les chevaliers Templiers empruntant ce passage, porteurs de légendes et de secrets, et les villageois se croisant sous l'ombre fraîche du porche. Chaque pas dans cette rue semblait une danse avec le passé, une douce caresse sur les murs patinés par le temps.
Et quelle agréable surprise, à ma gauche, adossée au mur des anciens remparts, la fontaine de l'Adolescente, nymphe de pierre trônant au milieu d’un petit bassin moussue, renforçait le charme de l'endroit. La nymphe, au visage serein, semblait veiller sur le village.
J'ai ensuite gravi la rue de la Pombosse, le cœur battant, jusqu'au pied du beffroi, sur une placette pavée, au carrefour de la rue de l'Horloge. De là, je pouvais admirer la majesté de l'édifice qui se dressait au-dessus de moi. Le clocher, posé directement sur le rocher blanc, point culminant du village, se dévoilait dans toute sa grandeur. Sa silhouette massive m’impressionnait, et je pouvais distinguer les quatre ouvertures hautes cintrées et les deux cadrans de l’horloge en métal émaillé. L'absence de tuiles conférait au clocher une nudité saisissante, une authenticité brute, tandis que le campanile, véritable dentelle de métal, s'élevait vers le ciel, contrastant avec l'austérité de la pierre.
Ce beffroi, bâti au sommet de la butte du Serret, avait une histoire à conter. Tour édifiée entre 1620 et 1632, elle avait été construite pour abriter les cloches et l’horloge, car la position enfoncée de l’église ne permettait pas de les entendre. Le campanile du XIXème siècle était perché au sommet des 18 mètres de la tour, comme un chapeau de fer sur une tête de pierre. Chaque matin et soir, il sonnait son "angélus", écho du temps où la vie villageoise se déroulait dans les champs.
En poursuivant vers le quartier du Serret, je découvris l'escalier du Pendant, passage original et pittoresque, invitation à la flânerie. L'escalier, taillé dans la roche et bordé de murets de pierre, offrait une vue imprenable sur les toits et le jardin en contrebas. En descendant, on avait l'impression de pénétrer dans un monde caché, un monde où le temps s'était arrêté.
Me voici de nouveau près du château, en redescendant la rue Sous Château. L'ombre de la tour carrée du château s'étirait sur les pavés, comme un vieux sage dispensant sa bénédiction sur le village. Ses murs massifs se dressaient avec une noblesse tranquille, témoins silencieux des siècles passés. On l'imaginait volontiers veillant sur les toits et les ruelles, gardien d'une histoire séculaire.
Me voici à présent rue Grognette, étroite et sinueuse, encerclant un petit groupe de maisons de pierre comme un ruisseau capricieux. Vu d’ici, le porche de l’une des portes Sud du village ancien se dressait comme un gardien silencieux du temps. Une atmosphère de calme et de sérénité enveloppait les lieux.
Le quartier du Barri m'attendait, avec ses remparts usés par le temps, témoins silencieux des batailles oubliées. Ces murs, jadis sentinelles de pierre, portaient désormais le poids des maisons d'habitation, percées de fenêtres comme des yeux qui clignaient sous le soleil. L'épaisseur fortifiée, autrefois rempart contre l'envahisseur, abritait maintenant la vie quotidienne, les rires et les soupirs des habitants.
Sous l'arche de pierres de la Porte rue d'Aubette, dont les pieds étaient encore protégés par des arceaux de métal, comme des genouillères de fer, pour empêcher les charrettes de l'abîmer en tournant, je franchis un seuil invisible. C'était comme passer le rideau d'un théâtre, revenir sur les traces des anciens habitants.
Puis, j'empreinte la rue Notre-Dame où je découvris la fontaine de la Jeanne, simple et élégante, ainsi que la maison à colombage, vestige d'une époque révolue. J'ai contemplé avec émotion l'ancienne maison des Templiers et sa fenêtre renaissance.
Le chemin me mena ensuite vers la rue du Stade, puis vers la chapelle Notre-Dame de Consolation, joyau caché, humble et serein. Ses murs de pierre racontaient une histoire ancienne, une histoire de foi et de persévérance. À l'intérieur, les murs s'habillaient d'un faux-marbre chaleureux. Cette chapelle, classée monument historique, portait en elle les souvenirs de Barthélémi Gauzan, et son nom, Notre-Dame de Consolation, semblait murmurer des paroles de réconfort. Les pierres de la chapelle, témoins silencieux des siècles, portaient les traces d'un passé lointain, évoquant déjà une église en 1092.
Et puis, comme une récompense cachée au fond d'un vallon, je découvris la source d'eau sulfureuse. Curiosité locale, certes, mais surtout eau murmurant des secrets anciens, classée Géo site - PNRL/UNESCO, source de vie, guérison et renouveau. En trempant mes mains dans l'eau fraîche, je sentais une énergie nouvelle me parcourir.
Ce qui me frappe d'emblée, c'est la douceur du lieu, l'absence de cohorte de voyageurs. Ici, le temps se suspend, invitant à une flânerie sereine. Au hasard des pavés anciens, une surprise m’attendait : la chaleur des sourires, les « Bonjour Madame » murmurés avec une sincérité désarmante. « Quelle douceur… », Pensai-je, le cœur léger, « les âmes ici sont si accueillantes, si différentes des tourbillons anonymes parisiens… ».
Je rejoignis le cours de la République, où une autre fontaine scintillait au soleil. Au milieu de cette rue, se dressaient les vestiges d'un rêve inachevé : un portail et deux encadrements de pierre taillées en ogive, ce projet « Notre Dame des amandiers », lancé au XIXe siècle par le Père Pierre Rigaud, avait été emporté par le vent de l'oubli, faute de moyens. Juste en face, la boulangerie ouvrait ses portes, laissant échapper une odeur chaude et gourmande, un parfum de pain frais.
Un peu plus loin, l'épicerie se cachait derrière une large porte, caverne d'Ali Baba aux parfums mêlés. À côté, le Cercle Républicain, institution locale, âme du lieu, témoin de son histoire et de sa vie, lieu de rencontre et de convivialité.
Au passage par le Tabac/Presse, je m'offris quelques magazines, compagnons de solitude pour les heures de détente. Les âmes éprises de beauté et de passé seront enchantées de flâner dans ce cœur ancien du village, né au XIIe siècle, joyaux architecturaux, murmures de pierre et de lumière.
Vers dix-neuf heures trente, l'heure bleue venant doucement nimber le ciel, Léa regagna son refuge. Avant même de songer au dîner, elle enfila son maillot et plongea dans la piscine. L'eau, fraîche et vive, se révéla délicieuse. Elle nagea quelques longueurs, puis se laissa flotter, contemplant le ciel qui commençait à se teinter de rose et d'orangé. « C'est ça… le bonheur… », murmura-t-elle, les yeux perdus dans l'immensité changeante du ciel. « Simplement flotter… regarder les couleurs… sentir l'eau fraîche… ».
Après sa baignade revigorante, Léa se prépara un dîner simple et savoureux avec les produits locaux dénichés à l'épicerie du village : quelques tomates gorgées de soleil, une tranche de fromage de chèvre frais, un morceau de pain croustillant.
Installée sur sa terrasse, Léa contemplait le ciel étoilé, un spectacle pur et infini, loin des lumières de Paris. La Voie Lactée scintillait, et le chant des grillons emplissait la campagne. "Incroyable...", murmura-t-elle, le cœur apaisé. Sa première journée à La Bastide-des-Jourdans s'achevait, douce et sereine. "Je suis bien ici", pensa-t-elle, avant de rejoindre sa chambre, l'âme nourrie, laissant les étoiles veiller sur son sommeil.
Une balade en vélo vers ANSOUIS pleine de surprises
Après un petit déjeuner léger et enjoué pris sur sa terrasse ensoleillée, Léa décide d'explorer les environs à vélo. Jeannette lui a indiqué une boutique de location de vélos « juste à côté de la place de la mairie ». En quelques minutes, Léa se retrouve en selle, prête à l'aventure.
Elle quitte La Bastide-des-Jourdans par de petites routes de campagne sinueuses et tranquilles. Bientôt, elle se retrouve au milieu des champs de vignes. Le spectacle est à couper le souffle : à perte de vue, les vagues vertes ondulent sous la brise légère. Les couleurs sont d'une intensité presque surnaturelle.
Léa s'arrête, émerveillée, respirant à pleins poumons cet air parfumé. Sa balade la mène ensuite à travers les vignes, les grappes de raisin promettant une belle récolte. Au loin, comme des joyaux posés sur les collines, se dressent les villages perchés d'Ansouis, Cucuron et Lourmarin, des noms mélodieux, promesses d'émerveillement.
Chaque village était une invitation à la découverte, un appel silencieux à explorer leurs secrets. Léa pédala avec allégresse jusqu'à Ansouis, dont la réputation de beauté n'était plus à faire. Elle flâna dans ses ruelles médiévales, étroites et fraîches, emplies d'échos du passé, découvrit son château imposant, dressé fièrement comme une sentinelle de pierre, et profita de la vue panoramique sur la vallée depuis le parvis de l’église, un spectacle grandiose qui s'offrait à elle.
Puis elle reprit son vélo, l'esprit léger, direction Cucuron, attirée par la promesse de son étang mystérieux et de sa place des Arcades. Le charme opéra à nouveau, instantané et profond, la séduisant à chaque coin de rue. La chaleur de midi se faisant sentir, le soleil dardant ses rayons avec insistance, Léa décida de chercher un endroit pour se rafraîchir. « Un peu de fraîcheur ne serait pas de refus… », pensa-t-elle, la chaleur commençant à se faire sentir malgré la brise.
Elle se souvint de l'étang de la Bonde, dont Marius lui avait vanté la quiétude. Elle suivit les indications avec confiance et arriva bientôt à ce plan d'eau paisible, un oasis de verdure et de calme, entouré de verdure accueillante. Quelques familles pique-niquaient sur les berges, leurs rires joyeux se mêlant au clapotis de l'eau. Léa attacha son vélo contre un pin, et se jeta à l'eau sans hésiter. La baignade fut plus que revigorante, une renaissance aquatique. L’eau fraîche dissipa la fatigue de la matinée, chassant les dernières tensions, et renforça son sentiment de détente et de connexion intime avec la nature, se fondant dans l'élément liquide avec délice. Après une pause pique-nique improvisée, un repas simple mais savoureux, partagé avec les cigales, Léa reprit sa balade à vélo. Elle s'éloigna des routes principales, cherchant l'intimité des chemins de traverse, empruntant des chemins cachés, bordés de pins majestueux et de chênes verts centenaires.
Le soleil de fin d'après-midi, déjà moins ardent, dardait encore quelques rayons à travers les feuilles épaisses de la canopée. Léa, profitant de la fraîcheur relative, s'enfonçait dans un chemin de terre sinueux, bordé de vignes et de chênes centenaires. Le chant des cigales accompagnait sa balade à vélo, et elle se laissait bercer par le rythme lent de la campagne provençale.
Soudain, sur un chemin plus ombragé, la lumière filtrant à peine à travers la canopée, elle freina brusquement. Une forme sombre se faufilait à travers les herbes hautes, un mouvement furtif qui attira son regard. Une Vipère ! Léa poussa un cri de surprise, un son étranglé qui déchira le silence, son cœur battant la chamade, affolé par cette apparition soudaine. Le serpent, aussi surpris qu'elle, se fige un instant, la gueule ouverte, un éclair sombre dans les herbes, avant de reprendre sa course rapide, disparaissant en un éclair.
Léa, tétanisée, resta immobile sur son vélo, les jambes tremblantes, le souffle court, le cœur cognant contre sa poitrine. Elle se sentait vulnérable, perdue au milieu de cette nature qu'elle aimait tant, mais qui, en cet instant, lui paraissait hostile.
Heureusement, au même moment, comme surgi de nulle part, un tracteur surgit d'une vigne voisine. Un viticulteur, apercevant Léa et la trace ondulante du serpent dans l'herbe, stoppa son engin, le moteur diesel toussotant doucement.
- « Tout va bien, Mademoiselle ? Une petite rencontre avec nos petites bêtes ? »
Son accent chantant et chaleureux, sa carrure imposante et ses pointes d'humour malicieuses la rassurèrent instantanément, comme un rayon de soleil dissipant les nuages. Léa, les yeux encore fixés sur l'endroit où le serpent avait disparu, cherchait ses mots.
- « Oui… enfin… C'est… une grosse vipère, n'est-ce pas ? » balbutia-t-elle, encore sous le choc, la voix tremblante.
Le viticulteur, un homme au visage buriné par le soleil et aux mains tannées par le travail de la terre, esquissa un sourire rassurant.
- « Oh boudiou ! Pas du tout, ce n’est qu’une belle couleuvre de Montpellier, parfaitement inoffensive, vous savez. Plus de peur que de mal ! Laissez-moi faire, je vais la remettre sur le droit chemin. »
Avec une habileté surprenante, geste vibrant de naturel, le viticulteur descendit de son tracteur, s'approcha du talus et fit mine de repousser délicatement le serpent dans les herbes avec une branche, un geste sûr et respectueux de la nature. Léa, les yeux grands ouverts, suivait attentivement les mouvements du viticulteur. Elle était fascinée par la façon dont cet homme, visiblement en harmonie avec son environnement, manipulait le serpent avec tant de douceur.
- « Voilà, elle est partie se balader ailleurs, dit le viticulteur en se redressant. Alors, qui a eu le plus peur, vous ou la couleuvre ? »
Il éclata de rire, et Léa, soulagée, se surprit à rire avec lui. La tension s'était dissipée, et elle se sentait de nouveau en sécurité.
- « Je crois bien que c'est moi ! avoua-t-elle en reprenant son souffle. Merci beaucoup, Monsieur. »
- « De rien, Mademoiselle. Profitez bien de notre belle Provence, et ne vous laissez pas impressionner par nos petites bêtes ! »
Le viticulteur remonta sur son tracteur, salua Léa d'un geste de la main et reprit son travail dans les vignes. Léa, le cœur léger, remonta sur son vélo et poursuivit sa balade. La rencontre avec le serpent avait été une péripétie inattendue, mais elle avait surtout été l'occasion d'une belle rencontre humaine.
De retour aux Mas de Terres Longues, Léa s'empressa de raconter sa mésaventure à Marius et Jeannette. Marius éclata de rire au récit de sa rencontre avec la couleuvre.
- « Ah, la campagne et ses surprises ! Vous voyez, il n'y a pas que la lavande et les villages perchés, il y a aussi nos voisins sauvages ! Mais vous avez eu de la chance de rencontrer un de nos viticulteurs, ils sont aussi charmants que nos paysages, n'est-ce pas Jeannette ? »
Jeannette, souriante, approuva, mais avec une nuance dans la voix.
- « Oui, Marius a raison, nos viticulteurs sont des gens formidables, toujours prêts à aider les touristes égarés... ou effrayés ! Parce que, je dois bien l'avouer, même si Marius se moque gentiment, les serpents, même inoffensifs, ça fait toujours un peu peur, n'est-ce pas Léa ? Moi-même, je ne suis pas tranquille quand j'en croise un. »
Elle lança un regard complice à Léa, qui se sentit aussitôt moins seule dans son effroi.
- « C'est vrai que sur le coup, on a une de ces frousses ! reprit Jeannette. Mais après, avec le recul, on se dit que c'est surtout la surprise qui nous fait réagir comme ça. Et puis, comme dit Marius, une couleuvre de Montpellier, ce n’est pas bien méchant. »
Marius, sentant que sa femme prenait la défense de Léa, ajouta, un peu moins hilare :
- « Oui, enfin, il faut quand même faire attention. Mais bon, Léa, vous verrez, vous allez vite vous habituer à notre faune locale. La prochaine fois, vous ne crierez plus, vous ferez un brin de causette avec elle ! »
Léa, d'abord un peu vexée d'être la risée du couple, finit par sourire. Après tout, ils avaient raison. Sa rencontre avec le serpent avait été plus effrayante que dangereuse. Et puis, le viticulteur avait été si gentil et rassurant... Et puis, Jeannette avait raison, la peur est une émotion compréhensible.
Plus tard, Léa se retrouva sur sa terrasse, savourant la douceur du soir. Le soleil se couchait derrière le Luberon, embrasant le ciel de couleurs rouge et rose. Marius avait raison, ces couleurs annonçaient peut-être un peu de vent pour le lendemain. Mais pour l'heure, le calme régnait.
Avant de se coucher, Léa décida de se préparer un petit repas du soir. Elle se fit une salade fraîche avec des tomates, des concombres et quelques feuilles de basilic du jardin. Elle ajouta un peu d'huile d'olive locale et quelques olives de Nyons. Un simple délice.
Elle prit son repas sur sa petite terrasse, bercée par le chant des cigales et le doux parfum des lavandes. La nuit tombait doucement, enveloppant la campagne provençale dans un voile de mystère. Léa se sentait bien, apaisée. La peur de la couleuvre s'était éloignée, laissant place à un sentiment de sérénité.
Après son repas, elle s'allongea sur un transat, un livre à la main. Les cigales s'étaient enfin tues, laissant place au silence de la nuit. Léa ferma les yeux un instant, profitant de la fraîcheur et du calme environnant.
Mais ses pensées vagabondaient. Elle se remémorait sa rencontre avec le viticulteur, son accent chantant et son humour malicieux. Elle repensait aussi à Jeannette, à sa gentillesse et à sa compréhension.
Finalement, le sommeil gagna Léa. Cette nuit-là, elle ne rêva pas de couleuvre. Son esprit était ailleurs, à l'étang de Cucuron, un lieu que Jeannette lui avait conseillé de visiter. Elle revoyait le bassin bordé de ses gigantesques platanes, les rues et les toits qui avaient servi de décor au film "Un Hussard sur le toit".
Le film "Un Hussard sur le toit" est une adaptation du roman éponyme de Jean Giono, réalisée par Jean-Paul Rappeneau. Il raconte l'histoire d'un jeune aristocrate italien, Angelo Pardi, qui fuit son pays et se réfugie en France, où il est confronté à une épidémie de choléra. Le film est un hommage à la Provence et à ses paysages, et il a été un grand succès critique et public.
Au petit matin, Léa fut réveillée par une agréable fraîcheur qui la fit tirer un drap sur elle. Un vrai bonheur après les chaudes journées de fin juillet. Elle se leva, prête à découvrir les merveilles que la Provence avait encore à lui offrir.
Sur les routes ensoleillées au Pays de FORCALQUIER en 2CV
Le troisième jour de son escale provençale, une douce impatience chatouilla l'âme de Léa. La région l'appelait, la conviait à une exploration plus intime, à s'éloigner du cocon rassurant des Terres Longues. Le vélo, si charmant pour flâner entre les lavandes, semblait désormais un peu timide pour embrasser l'étendue de la Vallée d'Aigues et les promesses du Luberon.
L'idée devenait insistante : il fallait plus qu'une bicyclette pour découvrir les trésors cachés de cette Provence sauvage et authentique. Léa se renseigna auprès de Marius et Jeannette, qui lui conseillèrent vivement de louer une voiture pour la journée. Par exemple chez « Ho My Deuche » puisque c’est sur place et les prix sont raisonnables.
- « Vous verrez, Léa, c'est la meilleure façon de découvrir les coins les plus reculés, ceux que les touristes ne connaissent pas. » lui dit Marius avec un clin d'œil.
Jeannette, quant à elle, lui prépara un petit panier repas, rempli de produits locaux : une baguette fraîche, quelques fruits gorgés de soleil et une bouteille d'eau fraîche.
- « Comme ça, vous n'aurez pas à vous soucier de trouver un restaurant, vous pourrez pique-niquer où bon vous semblera », lui expliqua-t-elle avec un sourire chaleureux.
Une idée germa, soufflée par les confidences de Marius et Jeannette : la location d'une 2CV rouge. « Ho My Deuche », murmuraient-ils, une enseigne locale et pittoresque, établie ici, tout près à La Bastide des Jourdans. L'évocation d'une escapade en « Deudeuche » embrasait l'imagination de Léa. N'était-ce pas la monture idéale pour épouser les courbes des routes provençales, cette voiture mythique, symbole d'une liberté joyeuse et d'une simplicité désarmante ?
Après un petit-déjeuner gorgé de soleil, Léa se laissa guider par ses pas jusqu'au cœur du village, en quête du repaire de « Ho My Deuche ». Une façade aux couleurs vives, constellée d'affiches vintage, et, comme une invitation irrésistible, deux 2CV rouges, rutilantes sous le soleil matinal, stationnaient devant la porte, annonçant la promesse d'une aventure authentique. Le charme opéra, instantané et puissant.
La sonnette de la boutique tinta gaiement lorsque Léa poussa la porte, l'accueillant dans une atmosphère à la fois chaleureuse et pétillante. L'intérieur prolongeait l'invitation de la façade : murs jaune soleil inondant l'espace de lumière, guirlandes de fanions dansant avec l'air, objets de décoration vintage semant des touches de nostalgie joyeuse. Derrière un comptoir en bois patiné par le temps, un jeune homme au sourire avenant, la trentaine radieuse, se tenait debout.
- « Bonjour Madame, bienvenue chez Ho My Deuche ! Je suis Damien. Que puis-je faire pour illuminer votre journée ? »
Sa voix, empreinte d'un accent chantant et d'un enthousiasme contagieux, détendit immédiatement Léa.
- « Bonjour Damien, je suis Léa, je séjourne au Mas de Terres Longues, Marius et Jeannette m'ont vanté les merveilles de votre location de 2CV. Je serais enchantée d'en louer une pour la journée, si le bonheur est possible. »
« Mais le bonheur est toujours possible ici, Madame ! » répondit Damien avec un large sourire.
- « Excellente intuition que la 2CV pour embrasser notre splendide région ! Avez-vous déjà succombé au charme d'un modèle en particulier ? »
D'un geste complice, Damien désigna les deux voitures rouges, joyaux stationnés devant la boutique.
- « Voici "Ginette" et "Yvette". Deux pépites, intégralement restaurées avec passion et respect ! Laquelle de ces demoiselles a déjà conquis votre cœur ? »
Léa hésita un instant, amusée et touchée par les prénoms affectueux donnés aux automobiles.
- « Euh… elles sont toutes les deux magnifiques, c'est indéniable… Je crois que… Yvette me fait de l'œil, peut-être ? »
Damien s'illumina, comme si Léa avait prononcé un mot magique.
- « Yvette, ah, quel choix exquis ! Yvette a une âme, vous savez. Elle fut la 2CV de mon grand-père, un homme de cœur. Je l'ai entièrement restaurée, choyée, et je crois qu'elle est plus fringante aujourd'hui qu'à ses vingt printemps ! Venez, laissez-moi vous présenter cette beauté. »
Avec une vivacité engouée, Damien entraîna Léa devant Yvette, la 2CV rouge. D'un geste tendre, il caressa la carrosserie, comme on effleure la joue d'un être cher.
- « Contemplez cette merveille ! Une robe rouge Vallée de la Loire, un intérieur en skaï gris chiné, d'une élégance rare… Un véritable joyau de la mécanique et de l'émotion ! Et je vous garantis qu'elle roule avec la précision et la régularité d'une horloge suisse ! »
Léa contemplait la petite voiture avec un sourire ému. Sa couleur rouge intense, ses formes généreuses et attendrissantes, son allure à la fois désuète et authentique, la séduisaient irrésistiblement. Il n'y avait aucun doute, c'était la monture rêvée pour une échappée belle provençale.
Les formalités de location s'écoulèrent avec une simplicité déconcertante. Damien prit le temps d'expliquer à Léa les subtilités de la 2CV, la danse des vitesses au volant, la douce manipulation de la capote, avec une patience et une gentillesse angélique.
- « La conduite est un jeu d'enfant, vous verrez, Madame. Un véritable vélo à quatre roues, plein de charme et de surprises ! Et surtout, ne vous privez jamais d'ouvrir la capote dès que le soleil se fait un peu ardent, c'est le bonheur immédiat et garanti ! »
Quelques minutes plus tard, Léa se glissa derrière le volant d'Yvette. Le siège en skaï se révéla un peu ferme, le volant fin et ample, le levier de vitesse jaillissant du tableau de bord… Un univers totalement différent de l'habitacle feutré de sa berline allemande. Un fugace vertige de dépaysement, voire une pointe de douce appréhension, la traversa. Mais dès que le moteur s'ébroua, la sonorité joyeuse et espiègle du bicylindre chassa toute hésitation. Cette voiture avait une âme vibrante, une personnalité profondément attachante.
Elle quitta La Bastide-des-Jourdans au volant de sa 2CV rouge, non sans une exaltation palpable et une agréable sensation de fierté. Les premiers hectomètres se déroulèrent avec une légère hésitation. L'orchestration des vitesses exigeait un bref apprentissage, le freinage se montrait moins incisif que celui des voitures contemporaines… Mais rapidement, Léa apprivoisa les particularités d'Yvette. Elle se familiarisa avec la volonté douce de la direction, la souplesse inattendue des suspensions, le charme singulier de cette conduite à l'ancienne, pleine de poésie.
Et surtout, dans un geste libérateur, elle ouvrit la capote, se souvenant du conseil enjoué de Damien. Instantanément, les effluves enivrants de la garrigue, la caresse chaleureuse du soleil sur son visage, la douceur du vent dans ses cheveux, l'inondèrent. Un sentiment de liberté totale, une joie simple et communicative, l'envahit entièrement. Au volant de sa 2CV rouge, sur les routes ondoyantes des Alpes de Haute Provence, Léa sentait son cœur se déployer à nouveau. L'aventure, enfin, pouvait éclore.
Le moteur joyeux de la 2CV pétaradait gaiement, emportant Léa vers de nouvelles découvertes.
Après avoir quitté La Bastide-des-Jourdans, elle bifurqua vers le nord-est, suivant les indications pour Forcalquier. Le paysage changea peu à peu. Les vastes champs de lavande, emblématiques de la Vallée d'Aigues, se firent moins présents, laissant place à une campagne plus variée, mêlant cultures céréalières, prairies verdoyantes et collines boisées. L’air se fit un peu plus vif, annonçant l’approche des montagnes. Léa sentait l’excitation de l’aventure monter en elle, le plaisir de se laisser porter par la petite voiture rouge sur des routes inconnues.
Elle traversa quelques villages et hameaux paisibles, aux noms poétiques évoquant l’histoire et la nature : Montfuron, Reillanne, Lincel, Saint Michel l’Observatoire, Mane, … Puis la route commença à grimper doucement, offrant des vues de plus en plus larges sur la campagne environnante. Au loin, Léa aperçut une silhouette montagneuse se profiler à l’horizon. « La Montagne de Lure… » Pensa-t-elle, se souvenant des descriptions enthousiastes de Jeannette. Cette montagne, chère à Jean Giono, exerçait une étrange fascination, avec ses pentes boisées et son sommet austère.
Bientôt, Forcalquier se dévoila, sa citadelle agrippée à son éperon rocheux, dominant fièrement la plaine. Léa gara Yvette sur un parking ombragé à l’entrée de la ville et décida d’explorer Forcalquier à pied. Elle pénétra dans le centre historique par une porte ancienne, et se laissa instantanément charmer par l’atmosphère de la cité. Ruelles étroites et sinueuses, maisons de pierre aux façades patinées par le temps, placettes fleuries…
Léa se laissa entraîner par la foule colorée et joyeuse, déambulant entre les étals débordant de fruits et légumes gorgés de soleil, d’herbes aromatiques parfumées, d’huile d’olive, de miel de lavande, et de bien d’autres spécialités régionales. Son attention fut particulièrement attirée par un stand proposant des fromages de Banon. Ces petits fromages de chèvre, enveloppés dans des feuilles de châtaignier et liés par un brin de raphia, étaient une spécialité locale, réputée pour leur saveur fine et délicate. Le fromager, un homme jovial au fort accent provençal, proposa à Léa une dégustation. Elle goûta, apprécia la texture crémeuse et le goût subtil du Banon et se laissa tenter par l’achat d’un petit fromage, qu’elle imaginait déjà savourer au cours du pique-nique que lui avait préparé par Jeannette.
Après avoir flâné longuement sur le marché, Léa reprit le volant d’Yvette. Elle décida de prendre un peu de hauteur et de monter en direction de la Montagne de Lure. La route devint plus sinueuse et plus abrupte, offrant des panoramas de plus en plus spectaculaires. La 2CV, toujours vaillante, grimpait courageusement les lacets, offrant à Léa une sensation de conduite unique, proche de la nature et des éléments. Le vent sifflait joyeusement à ses oreilles, le soleil brillait de mille feux, et le paysage défilait, grandiose et sauvage.
Elle s’arrêta à un point de vue, au bord de la route, pour admirer l’immensité du paysage. La Montagne de Lure se dressait devant elle, majestueuse et imposante, avec ses flancs couverts de forêts et son sommet minéral. C'était une montagne libre et neuve, à peine sortie du déluge, qui portait encore sur ses épaules les cicatrices des temps anciens. Ses crêtes dénudées touchaient le ciel, ses pentes étaient couvertes de forêts épaisses, et ses ravins profonds cachaient des sources secrètes. En contrebas, la plaine s’étendait à perte de vue, parsemée de villages, de champs et de forêts. Léa respira profondément, emplissant ses poumons de l’air pur et vivifiant de la montagne. Le calme et la beauté des lieux étaient saisissants. Elle se sentait loin de tout, loin du bruit, loin du stress, en communion parfaite avec la nature environnante. Ce voyage en 2CV, vers le Pays de Forcalquier et la Montagne de Lure, prenait des allures de véritable évasion, de parenthèse enchantée dans sa vie parisienne si agitée. La montagne de Lure, c'était un monde à part, un monde de silence et de lumière, où le temps s'écoulait lentement, au rythme des saisons. C'était une terre de légendes, où les bergers gardaient leurs troupeaux, où les poètes venaient chercher l'inspiration.
De retour chez elle, elle s'empara du téléphone, impatiente de partager sa journée. Quelques sonneries, et bientôt, la voix familière de sa mère résonna à l'autre bout de la ligne. Elle se lança alors dans le récit de son aventure en 2CV, décrivant avec enthousiasme les paysages traversés, les villages pittoresques et les sensations uniques de cette balade.
Elle raconta aussi ses rencontres impromptues, et les anecdotes amusantes qui avaient déjà émaillé ses journées dans le Luberon. Sa voix était empreinte de joie, et sa mère écoutait avec attention, ravie de l'entendre si heureuse.
L'aire des Masques et une soirée étoilée
Le quatrième jour de son séjour en Luberon, Léa, avide de nature et d'aventure, avait décidé de s'offrir une longue randonnée. Les cartes dépliées sur la table, les conseils avisés de Marius en tête, elle avait tracé un itinéraire prometteur. Son choix s'était porté sur les hauteurs de Vitrolles en Luberon, un chemin serpentant à travers les collines parfumées par les effluves de lavande sauvage et de thym, et les forêts de chênes verts, au départ de l'Aire des Masques. La promesse de points de vue panoramiques sur la vallée d'Aigues avait fini de la convaincre.
Le matin, Léa avait préparé avec soin un pique-nique gourmand, rempli des saveurs du marché local. Puis, dès les premières lueurs dorées du jour, elle s'était lancée avec entrain sur les sentiers. Marius, prévenant, l'avait accompagnée en voiture jusqu'au col de Vitrolles, point de départ de sa randonnée. Ils avaient convenu d'un plan simple : Léa rentrerait à pied, savourant chaque pas de son chemin. Mais, prudente, elle devait le contacter si la fatigue se faisait trop sentir, et Marius viendrait la récupérer au village de Vitrolles en Luberon.
Après avoir marché un moment, s'engageant sur un sentier bordant un champ à l'orée d'un bois, un mouvement furtif capta son attention. Dans le coin de ce champ, à l'ombre des premiers arbres, une présence délicate se tenait là. Un chevreuil. Immobile, il broutait paisiblement, ignorant encore la randonneuse qui s'approchait. Leurs regards se croisèrent, un bref instant suspendu dans le temps, d'une intensité rare. Étonnement partagé de part et d'autre. Léa retint son souffle, subjuguée par la grâce fragile de l'animal. Puis, comme une ombre qui s'évapore, le chevreuil bondit, disparaissant en un éclair dans l'épaisseur sombre du taillis de chênes. Il ne resta que le bruissement léger des feuilles frôlées par sa course. Léa sourit doucement, le cœur léger. Peut-être était-elle de nature superstitieuse, car elle ne put s'empêcher de penser à la signification qu'on prêtait parfois à la rencontre d'un chevreuil. Symbole d'amour et de compassion, messager invitant à la douceur, à ralentir le pas et à écouter la voix de son propre cœur, porteur de guérison… La tache claire, presque blanche en cette saison estivale, « le miroir » disait-on, sur son fessier, avait comme illuminé cette brève apparition.
Après une douce marche de trois quarts d'heure sur le sentier des crêtes du « Boufaoù », la douce chaleur du soleil de juillet caresse encore les épaules de Léa. Ses pas se sont faits légers, bercés par le rythme de la nature environnante, le chant des cigales au loin et le bruissement des feuilles sous ses pas. Arrivée au sommet, la vue s'ouvre en un panorama grandiose sur la vallée d'Aigues. La lumière, légèrement brumeuse sous l'effet de la chaleur, adoucit les contours des collines. Au loin, une tache bleu-vert étincelante attire son regard : ne serait-ce pas l'étang de la Bonde, paisiblement niché dans son écrin de verdure ? Soudain, un imperceptible mouvement attire son regard vers l'immensité azurée. Là-haut, dans le ciel limpide, une forme majestueuse se dessine.
Un rapace… mais pas n’importe lequel. Léa le reconnaît instantanément, son cœur bondit de joie. C’est lui, l’aigle de Bonelli, seigneur discret des hauteurs. Son poitrail arbore cette tache blanche si caractéristique, comme une étoile filante accrochée à son plumage sombre et lumineux. Ses ailes amples, d'une envergure à couper le souffle, semblaient défier les lois de la gravité, le portant avec une aisance infinie dans l'immensité azurée. Pourtant, il se meut avec une grâce infinie, un silence parfait. Aucun cri ne perce l’air, seul le léger souffle du vent accompagne sa danse céleste.
L’émerveillement inonde le regard de Léa. Ses yeux s’emplissent du bleu profond du ciel et de la beauté sauvage de cet instant suspendu. L'aigle décrit de larges cercles, un ballet aérien hypnotisant. Chaque battement d'aile est puissant, ample, témoignage d’une force tranquille. Pourtant, une légèreté incroyable émane de son vol. Ses ailes semblent à peine effleurer l’air, le portant sans effort dans l'immensité. Puis, après cette danse tournoyante, comme un adieu silencieux, l’aigle amorce un plongeon. Il pique vers le versant nord, disparaissant derrière la crête, en direction de la vallée de Céreste. Un frisson d’émotion parcourt Léa. Dans son cœur, l'image de l'aigle reste gravée, un souvenir précieux, une rencontre magique avec la beauté sauvage et silencieuse du monde. Un moment de grâce, volé au temps, dans la douce lumière du Luberon.
La journée, riche en émotions et en efforts, avait finalement fatigué Léa. Sur le chemin du retour, la providence mit sur sa route un couple de retraités charmants, rentrant vers la Bastide des Jourdans. Spontanément, ils lui proposèrent de la ramener en voiture, geste qu'elle accepta avec gratitude. L'idée de ne pas déranger Marius, qui avait déjà été si aimable de la déposer le matin, la soulageait.
La randonnée, un baume pour l'âme. Au cœur des senteurs de thym, de sarriette et de romarin, les paysages grandioses opéraient une douce thérapie. Léa sentait ses préoccupations parisiennes s'éloigner, laissant place à une connexion profonde avec elle-même et la nature environnante.
Le soir venu, après sa randonnée, Léa se prépara à une soirée spéciale. Marius et Jeannette organisaient un « souper magique sous les étoiles » pour leurs hôtes. En rentrant de sa randonnée, Léa avait remarqué une senteur exquise, une odeur de cuisine provençale, doux mélange mêlant oignons roussis, tomate, thym, laurier, huile d'olive chauffée... commençant à mettre ses papilles en éveil. Le dîner sentait bon !
Un peu plus tard, après une douche et un bain dans la piscine revivifiant, en se rendant sur la terrasse principale, Léa découvrit une ambiance féerique. Des guirlandes lumineuses parsemaient la treille de glycine, des bougies étaient disposées sur les tables et une douce musique d'ambiance flottait dans l'air. Jeannette avait dressé une grande table conviviale, ornée de nappes blanches en coton et de bouquets de lavande. L'odeur de la cuisine se mêlait aux effluves de la lavande, créant une atmosphère à la fois gourmande et apaisante.
Peu de temps après, les autres invités arrivèrent : un couple de Belges, les yeux brillants devant la beauté de la région, un couple de retraités français, connaisseurs des lieux, et un voyageur solitaire, photographe passionné par les paysages provençaux. Ce dernier, ayant loué aux Terres Longues deux ans auparavant, et de passage à La Bastide des Jourdans, avait fait une visite impromptue à Marius et Jeannette, qui l'avaient aussitôt invité à partager leur repas.
L'atmosphère était chaleureuse et détendue. Les plats se succédèrent, tous plus délicieux les uns que les autres : salade fraîcheur aux légumes du jardin, tomates farcies, baignés de fleurs de courgettes, grillades de côtelettes d’agneau parfumées aux herbes de Provence, fromages de chèvre bien crémeux, d’autres plus secs, fruits de saison gorgés de soleil, et bien sûr, un rosé savoureux des Coteaux de Pierrevert.
Les conversations allaient bon train, chacun partageant ses impressions sur le Luberon, ses découvertes, ses coups de cœur. Le couple de Belges ne tarissait pas d'éloges sur la beauté des villages perchés.
- « C'est un enchantement, chaque village est une carte postale ! Et cette lumière… On comprend pourquoi les peintres sont si inspirés ici ! »
Léa se sentait parfaitement intégrée à cette joyeuse compagnie. Elle échangea quelques mots avec chacun, appréciant la simplicité et la convivialité de ces rencontres.
Le vin rosé fruité du Domaine de Régusse aidant, les langues se délièrent, les rires fusèrent. Marius, en maître de cérémonie, animait la soirée de ses blagues et de son accent provençal. Jeannette veillait à ce que tout le monde soit à l'aise, distillant sa douceur et sa gentillesse.
Sous les étoiles scintillantes, dans la douceur de la nuit provençale, Léa se sentait loin du tumulte parisien, loin du stress de son travail, et surtout loin de sa solitude. Elle se sentait bien, tout simplement.
Cinquième journée : les Merveilles du Verdon
Le soleil matinal caressait doucement les collines lorsque Léa se réveilla. Aujourd'hui, l'aventure l'appelait vers les majestueuses Gorges du Verdon, un joyau naturel de la région. Marius et Jeannette, avec leur générosité légendaire, avaient insisté pour l'accompagner dans leur véhicule climatisé, offrant à Léa une journée d'exploration tout confort.
Leur premier arrêt fut le plateau de Valensole, une étendue infinie de champs de lavande en fleurs. La vue était tout simplement époustouflante. Marius lui dit,
- « Ici c’est le vrais pays de la lavande et des amandiers, chez nous il y en a bien un peu au milieu des nos vignobles, mais pas comme ici ! Voyez comme c’est beau ! »
Des vagues violettes ondulaient à perte de vue, embaumant l'air de leur parfum enivrant. Léa se sentait transportée dans un autre monde, un monde de beauté et de sérénité. Elle prit de nombreuses photos, voulant immortaliser à jamais ce paysage magique.
Après avoir traversé ce tableau idyllique, ils arrivèrent au lac de Sainte-Croix du Verdon. Les eaux turquoise du lac scintillaient sous le soleil, invitant à la baignade et à la détente. Mais avant de se rafraîchir, Marius et Jeannette avaient prévu une surprise : un pique-nique au bord de l'eau. Ils avaient apporté une glacière remplie de délices provençaux : une salade de tomates cœur de bœuf du potager, une omelette de pommes de terre parfumée à la truffe d’été que Marius avait cueillie quelques jours au paravent sous le chêne dont-il garde bien secrètement la localisation, et un melon de Cavaillon, arrosés d'un vin blanc de la cuvée « Soprano » du château de Clapier à Mirabeau. Léa savoura ce repas simple et savoureux, bercée par le clapotis de l'eau.
Après ce moment de convivialité, Marius et Jeannette proposèrent à Léa une balade en bateau, pour admirer les gorges depuis un autre angle. La fraîcheur de l'eau, le chant des oiseaux, la beauté des paysages... Léa se sentait en parfaite harmonie avec la nature.
Leur excursion se poursuivit par la visite du village de Moustiers-Sainte-Marie, perché sur une falaise et surplombant le lac. Ce village pittoresque était célèbre pour sa faïence et son étoile suspendue entre les deux falaises. Léa fut charmée par les ruelles étroites, les maisons colorées, les fontaines et les petites boutiques d'artisans. Elle se promena dans le village, découvrant à chaque pas de nouvelles merveilles.
Sur le chemin du retour, Marius et Jeannette firent une halte à Gréoux-les-Bains, un village thermal réputé pour ses eaux aux propriétés curatives. Léa profita de cette pause pour se détendre et se rafraîchir. Elle découvrit les thermes, le château et les ruelles animées du village.
Après cette journée riche en découvertes, ils retournèrent à La Bastide-des-Jourdans. Il était environ 21h lorsque Léa arriva à la chambre d'hôte, épuisée mais comblée. Elle remercia chaleureusement Marius et Jeannette pour cette journée inoubliable et alla dans sa chambre. Mais au lieu de se précipiter sur son lit, elle se sentait encore trop vibrante des émotions de la journée pour trouver le sommeil.
Elle se souvint de la terrasse, de sa fraîcheur et de la promesse d'un ciel étoilé. Elle prit une couverture et s'installa sur un transat, bercée par le chant des grillons. La nuit était tombée, dévoilant une myriade d'étoiles scintillantes. Léa leva les yeux vers le ciel, se laissant emporter par la magie de l'instant.
Soudain, une étoile filante traversa le ciel, laissant derrière elle une traînée lumineuse éphémère, comme un trait de feu dans la nuit. "Fais un vœu !", se dit Léa, les yeux brillants de cette lumière fugitive. Mais quel vœu faire ? Elle réalisa qu'elle n'avait plus de vœu à formuler, son cœur était un nid plein. Elle se sentait déjà comblée, heureuse de ce qu'elle avait vécu, de ce qu'elle avait découvert.
Alors, elle fit un vœu simple, un vœu qui montait du fond de son âme : rester dans cette région du Luberon, s'enraciner dans cette terre fertile, devenir une part de ce paysage. Elle voulait vivre au rythme des saisons, écouter le chant des cigales, sentir l'odeur de la lavande, contempler les couchers de soleil sur les collines.
L'étoile filante avait disparu, mais son vœu brillait dans son cœur, comme une flamme qui ne s'éteindra jamais. La suite viendrait plus tard, comme un chemin qui se dévoile pas à pas, au gré des rencontres et des découvertes.
Alors qu'elle contemplait le ciel étoilé, elle crut entendre quelques pétards. Était-ce un feu d'artifice ? Étrange, le 14 juillet était passé depuis longtemps. Elle sourit, se disant que même les étoiles avaient décidé de prolonger la fête, ou peut-être, que les esprits de la montagne, cachés dans les replis des collines, célébraient à leur manière la beauté de la nuit. Ces éclats sonores, brefs et secs, résonnaient comme des rires étouffés, des chuchotements joyeux, des échos de la terre qui vibrait sous la lumière des astres. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par la douceur de la nuit, et s'endormit paisiblement sur sa terrasse, rêvant aux merveilles qu'elle avait vues, et à celles qui l'attendaient encore, aux secrets que les étoiles et les esprits de la montagne allaient lui révéler.
De Lourmarin à l'atelier de poterie l’heure de révélations
Le lendemain matin, Léa décide de consacrer sa journée à la visite de Lourmarin, un autre village classé parmi les plus beaux de France, et réputé pour son château Renaissance. Marius lui avait prêté, pour l’occasion, l’une des voitures de la maison. Après une bonne vingtaine de minutes de route à travers les paysages vallonnés, elle arriva à Lourmarin. Elle se gara à l'entrée du village et commença à flâner dans les ruelles pavées, bordées de maisons anciennes et de boutiques charmantes. Le village était animé, mais conservait une atmosphère paisible et authentique. Elle découvrit le château, imposant et élégant, perché au sommet d'une colline. Elle visita l'intérieur, admirant l'architecture Renaissance et la vue panoramique sur les environs.
En redescendant vers le village, alors qu'elle se promenait sur la place principale, son regard croisa celui d'une femme familière. Sophie ? Était-ce bien Sophie, son ancienne collègue de bureau ?
- « Sophie, c'est toi ? » lança Léa, incrédule.
La jeune femme se retourna, les yeux brillants de surprise.
- « Léa ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? »
La rencontre était inattendue, improbable, et pourtant bien réelle. Sophie, 46 ans, célibataire, une ancienne collègue avocate, avait quitté le cabinet parisien quelques années auparavant pour s'installer à Aix en Provence. Mais les années n'avaient rien effacé du sentiment particulier que Sophie portait à Léa, une affection qui avait parfois flirté avec les rives d'un amour silencieux. Elles s'étaient perdues de vue, les tourbillons de la vie les ayant emportées loin l'une de l'autre, mais dans le sanctuaire de son cœur, Sophie avait toujours gardé une place pour Léa. Ces retrouvailles, c'était une étoile qui se rallumait, une mélodie oubliée qui revenait hanter ses pensées.
Elles s'installèrent à la terrasse d'un café, Place Henri Barthélémy, et commandèrent deux cafés. Les retrouvailles furent chaleureuses. Elles évoquèrent leurs souvenirs parisiens, leurs anciens collègues, leurs vies respectives. Puis la conversation se tourna vers la nouvelle vie de Sophie en Provence.
- « Tu sais, Léa, quitter Paris a été la meilleure décision de ma vie », confia Sophie avec un sourire épanoui.
- « Ici, j'ai trouvé un équilibre, une qualité de vie que je n'imaginais même pas. Le stress parisien, les dossiers interminables, tout ça me semble si loin maintenant. Je travaille toujours dans le droit, mais à mon propre compte, à mon rythme. Et j'ai enfin le temps de profiter de la vie, de la nature, de mes passions… ».
Sophie racontait, le visage illuminé, ses randonnées dans le Luberon, ses découvertes de villages baignés de soleil, ses rencontres avec les artisans locaux, les mains encore empreintes de terre, ses cours de poterie où l'argile prenait vie sous ses doigts. Chaque mot était une invitation au bonheur, une mélodie ensoleillée qui résonnait dans le cœur de Léa.
Elles échangèrent leurs numéros, promesses d'appels à venir, d'échanges à prolonger.
Mais c'était la conversation elle-même qui avait planté une graine. Léa avait écouté, l'âme vibrante, comme si les mots de Sophie étaient les siens, longtemps enfouis. Le stress parisien, la soif de nature, la quête d'authenticité... Autant d'échos à ses propres désirs, à son propre malaise. Les questions affluèrent, douces et insistantes : quel chemin prendre ? Quels rêves suivre ? Quel sens donner à cette vie qui semblait soudain si étroite ? Dans le sillage de Sophie, une nouvelle Léa se dessinait, avide de lumière et de vérité. ».
Était-ce vraiment cela qu'elle voulait, cette course effrénée, cette pression constante, cette solitude ? N'y avait-il pas une autre voie possible, une vie plus sereine, plus épanouissante, comme celle de Sophie en Provence ?
Après avoir quitté Sophie à Lourmarin, Léa de retour à La Bastide-des-Jourdans, les pensées tourbillonnantes dans sa tête, décida de retourner visiter l’atelier de poterie qu’elle avait entrevue quelques jours auparavant.
Dans la boutique de Nicole « de la Bastide », son nom d’artiste, l'atelier, un espace de pierres voûté, ancien relais des Templiers, résonnait du cliquetis doux du pinceau. Nicole, devant son établi, donnait vie à un biscuit d’assiette, y traçant avec une précision infinie les fins décors « Moustiers ». Les murs de pierre, chargés d'histoire, semblaient murmurer les secrets des chevaliers d'autrefois, tandis que la lumière, filtrée par les ouvertures étroites, caressait les poteries colorées. L'air, chargé de l'odeur de l'argile et des pigments, portait les murmures des conversations passées, les échos des voyageurs fatigués qui avaient trouvé refuge dans cet ancien relais. Chaque coup de pinceau de Nicole était une danse avec le temps, une célébration de l'artisanat, un hommage à la beauté simple et authentique de la Provence.
Léa entra, salua, et Nicole lui répondit en souriant, la regardant par-dessus ses lunettes.
- « Bonjour Mademoiselle, quel plaisir de vous revoir ! »
s’exclama Nicole.
- « Bonjour, Madame, »
répondit Léa,
- « Vos créations sont magnifiques ! »
Quelques échanges s’ensuivirent, pendant lesquels Léa admira les objets de poterie finement décorés. Puis, elle expliqua à Nicole qu’elle avait été attirée par une toile signée Gabriel, exposée dans la petite vitrine de l’atelier.
- « Ah, vous avez bon goût ! Gabriel est un artiste de talent, » lui répondit Nicole, « Il est justement là aujourd’hui, si vous souhaitez le rencontrer. »
Elle lui indiqua, en lui montrant le passage voûté, que Gabriel était dans son coin atelier.
Passé la porte de la pièce où exposait Gabriel Léa remarqua alors, une toile qu'elle n'avait pas vue la veille. Elle représentait un loup, un loup solitaire, au regard profond et mélancolique, dans un paysage typique du Luberon. Intrigée, Léa s'approcha du tableau.
Au même moment, Gabriel leva les yeux et la remarqua. Un sourire énigmatique se dessina sur son visage ridé.
- « Alors, Mademoiselle, ce loup vous parle ? »
Sa voix était grave et douce, empreinte d'une sagesse ancienne. C'est à cet instant précis que Léa sentit que quelque chose d'important allait se produire, que le « secret » du Luberon, et peut-être son propre secret, allait enfin se dévoiler.
Le silence s'installa entre Léa et Gabriel. L'atmosphère de la boutique de Nicole semblait suspendue, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Léa sentait le regard perçant du vieil homme posé sur elle, l'invitant à poser la question qui brûlait ses lèvres.
Finalement, elle se lança, la voix hésitante :
- « Ce… ce loup… il a une histoire ? »
Gabriel sourit doucement, un sourire énigmatique qui semblait en savoir long.
- « Le loup… oui, il a une histoire. C’est une légende d’ici, vous savez. Le loup du Luberon. D'ailleurs, savez-vous que la louve est même l'emblème des armoiries de La Bastide-des-Jourdans ? C'est dire à quel point cette figure est ancrée dans l'histoire et l'imaginaire du village. On dit qu’il rôde dans ces montagnes depuis des temps immémoriaux. »
Il marqua une pause, son regard se perdant dans le vague, comme s'il contemplait des images lointaines.
- « Ce n'est pas un loup ordinaire. On dit qu'il représente… l'âme sauvage de ces lieux. Et… »
Il murmura en se penchant légèrement vers Léa, comme s'il partageait un secret inavouable :
- « … on dit qu'il apparaît à ceux qui sont prêts à entendre son message. »
Léa fronça les sourcils, intriguée.
- « Son message ? Quel message ? »
Gabriel haussa les épaules, un air mystérieux dans les yeux.
- « Chaque personne entend son propre message, Mademoiselle. Le loup parle au cœur, pas à l'esprit. Il parle de solitude, de liberté, de retour à soi… Il parle de ce qu'on a perdu, de ce qu'on cherche… Peut-être qu'il parle aussi… de secrets. »
Il laissa planer un silence, observant l'effet de ses paroles sur Léa. Celle-ci était fascinée, mais aussi un peu déconcertée. Cette conversation prenait une tournure inattendue, presque irréelle. Elle sentait une émotion vive la traverser, un mélange de curiosité, d'appréhension et d'espoir.
- « Et vous, Monsieur Gabriel, quel message le loup vous a-t-il apporté ? osa-t-elle demander. »
Le visage de Gabriel se fit plus grave, ses yeux se perdirent dans le vague, comme s'il revoyait des images lointaines.
- « Moi… le loup… Il m'a parlé il y a longtemps, Mademoiselle. À un moment de ma
vie… où j'étais perdu, comme vous l'êtes peut-être aujourd'hui. J'étais jeune, ambitieux, je voulais conquérir le monde… Et puis… la vie… les épreuves… J'ai perdu de vue l'essentiel. J'ai oublié qui j'étais vraiment.
Il marqua une pause, le regard toujours perdu dans ses souvenirs.
- « Et puis, un jour, j'ai vu le loup. Ici, dans le Luberon. Il était là, sur un sentier, au détour d'un chemin. Il m'a regardé… Et dans son regard, j'ai vu… ma propre solitude. Ma propre quête de sens. Mon propre besoin de… de me retrouver. »
Les mots de Gabriel résonnaient étrangement en Léa. Elle aussi se sentait perdue, seule, en quête de quelque chose qu'elle n'arrivait pas à définir. Elle aussi avait l'impression d'avoir oublié qui elle était vraiment, sous le poids de sa vie parisienne, de son travail stressant, de sa solitude. Se pourrait-il que ce voyage en Provence, cette rencontre avec le loup à travers le tableau de Gabriel, soient une invitation à se reconnecter avec elle-même, à retrouver son « secret » enfoui au plus profond de son être ? Une larme roula sur sa joue, sans qu'elle ne cherche à la retenir.
- « Et qu'avez-vous fait après avoir vu le loup, Monsieur Gabriel ? demanda Léa, la voix à peine audible, submergée par l'émotion. »
- « J'ai écouté son message, Mademoiselle. J'ai ralenti le rythme. J'ai quitté la ville. Je suis revenu ici, dans le Luberon, dans mes racines. J'ai recommencé à peindre… J'ai appris à vivre simplement, en harmonie avec la nature, avec moi-même. »
Un léger sourire illumina son visage.
- « Et j'ai retrouvé la paix, Mademoiselle. La vraie paix. Celle qui ne dépend pas des succès, de l'argent, du regard des autres. Celle qui vient de l’intérieur. »
Le silence s'installa à nouveau, lourd de sens. Léa contempla le tableau du loup, le regard perdu dans ses yeux profonds et mystérieux. Elle sentait une force étrange émaner de cette toile, une force à la fois douce et sauvage, qui l'appelait à se libérer de ses chaînes, à retrouver son essence profonde.
- « Merci, Monsieur Gabriel, murmura-t-elle enfin. Merci pour votre histoire, pour votre message. »
- « De rien, Mademoiselle, répondit Gabriel. J'espère que le loup vous apportera son message à vous aussi. »
Léa revint près de la table de Nicole et lui adressa
- « Merci, Madame, tout est magnifique dans votre atelier »
Nicole
- « Un grand merci Mademoiselle, au revoir ! »
Léa quitta la boutique de Nicole, le cœur lourd mais l'esprit clair. Les paroles de Gabriel avaient résonné en elle comme un écho à ses propres questionnements. Elle savait qu'elle devait changer de vie, qu'elle devait retrouver son chemin. Mais comment ? Par où commencer ?
De retour au Mas de Terres Longues, Autour de la table, la soupe au pistou qu’avait préparé Jeannette fumait, un concentré d'été provençal, où les légumes du jardin, mûris sous le soleil ardent, se mêlaient aux herbes fraîches et à l'huile d'olive dorée. Marius et Jeannette, les yeux pétillants de bienveillance, partageaient ce repas simple et savoureux avec Léa, qui, entre deux cuillerées, leur contait ses découvertes du jour. Sa voix, animée par l'enthousiasme, décrivait les ruelles secrètes de La Bastide, les pierres chargées d'histoire, les senteurs de la boulangerie et de l'épicerie, les vestiges d'une église inachevée. Chaque mot était une invitation au voyage, un tableau vivant de la Provence authentique, celle que l'on découvre en flânant, en prenant le temps de s'émerveiller. La soupe, réconfortante et parfumée, accompagnait ce récit, comme un écho à la douceur de vivre provençale, un moment de partage et de convivialité, où les histoires se mêlaient aux saveurs, où les cœurs s'ouvraient à l'amitié.
Le Déjeuner à GRAMBOIS et la Vue Panoramique
Le dernier jour de Léa en Provence s’annonçait radieux. Après une semaine de soleil éclatant, le ciel était d’un bleu pur, promettant une journée estivale parfaite.
Marius et Jeannette avaient réservé une table au restaurant « Poivre Rose » à Grambois pour un déjeuner d’adieu.
- « Il faut absolument que vous découvriez Grambois avant de partir, Léa ! »
avait insisté Marius la veille.
- « Et le Poivre Rose, c’est un régal, et la vue du haut de Grambois est à couper le souffle ! »
Après une dernière matinée paisible passée entre la piscine et à flâner sur la terrasse de sa chambre, à profiter des derniers instants de calme et de soleil provençal, Léa rejoignit Marius et Jeannette pour le départ vers Grambois. Le village, perché sur sa colline, se dévoila au fur et à mesure qu’ils approchaient, telle une forteresse de pierre dominant la vallée.
Le restaurant « Poivre Rose » était à la hauteur de sa réputation. Installé dans une ancienne maison de village, il offrait un cadre idyllique, avec sa terrasse ombragée et sa vue panoramique époustouflante sur la vallée d’Aigues et le Luberon. La table réservée par Marius et Jeannette était idéalement située, en bord de terrasse, offrant un point de vue imprenable.
- « Alors, Léa, ça vous plaît ? »
demanda Marius, les yeux brillants de fierté provençale.
- « C’est… c’est magnifique, Marius ! Vous aviez raison, la vue est incroyable ! »
Léa était transportée par la beauté des lieux, d’autant plus qu’elle avait rêvé de les explorer depuis son arrivée. Le spectacle qui s’étendait devant elle était tout simplement sublime, une véritable œuvre d’art : des champs de lavande à perte de vue, aux couleurs envoûtantes, des vignes ondulantes, et le Luberon, majestueux, avec ses nuances de vert bleuté, en arrière-plan. Çà et là, des touches de jaune vif, des champs de tournesols dansant sous un léger Mistral, venaient illuminer le paysage. C’était un tableau parfait, un cadre idéal pour un déjeuner de rêve, un moment inoubliable !
La cuisine du Poivre Rose se révéla à la hauteur du cadre. Des plats raffinés, aux saveurs provençales authentiques, mirent en éveil les papilles de Léa. Salade de rougets à la tapenade, agneau de Sisteron aux herbes, tarte aux figues et miel de lavande… Chaque plat était une explosion de goûts et de parfums. Le rosé frais, fruité et léger du Château la Dorgonne, accompagnait à merveille ce repas d’été.
Au fil du déjeuner, la conversation alla bon train. Marius, toujours aussi chaleureux et blagueur, racontait des anecdotes sur la région, sur les traditions provençales, sur les personnages hauts en couleur qui peuplaient le Luberon. Jeannette, plus discrète mais toujours souriante, apportait des précisions historiques, des détails culturels, enrichissant les propos de Marius. Léa écoutait, savourait chaque instant, consciente de la magie de ce moment présent.
À un moment donné, alors que Marius racontait une histoire amusante sur un « renard » qui avait dévalisé un poulailler du village voisin, une phrase, anodine en apparence, résonna particulièrement en Léa. « … Et le vieux fermier, vous savez ce qu’il a dit ? « Le renard a faim, il faut bien qu’il mange ! » Typique d’ici, vous voyez, on accepte les choses comme elles viennent, on ne se prend pas trop la tête ! ».
« On accepte les choses comme elles viennent… » Ces mots simples, prononcés avec l’accent chantant de Marius, firent tilt dans l’esprit de Léa. N’était-ce pas cela, le « secret » du Luberon ? Cette douceur de vivre, cette sérénité, cette capacité à savourer l’instant présent, à accepter les aléas de la vie avec philosophie, sans se laisser submerger par le stress et les angoisses ? N’était-ce pas cela, le changement qu’elle pressentait depuis son arrivée en Provence ?
En contemplant le panorama grandiose qui s’offrait à ses yeux, Léa eut une révélation. Son « secret », ce n’était pas une vérité cachée, un trésor enfoui. C’était beaucoup plus simple et profond à la fois.
C’était une nouvelle façon de voir la vie, de l’appréhender, de la vivre pleinement, ici et maintenant. C’était apprendre à ralentir, à respirer, à se reconnecter à la nature, à ses émotions, à ses désirs profonds.
C’était accepter de lâcher prise, de faire confiance à la vie, de s’ouvrir au changement, comme le loup solitaire qui arpente les montagnes du Luberon, libre et sauvage.
Le Luberon, en l'espace d'une semaine, avait agi comme un révélateur, un miroir de son âme. Il lui avait montré une autre voie possible, un chemin vers une vie plus authentique, plus sereine, plus épanouissante. À elle de décider si elle oserait l'emprunter.
Le Déjeuner à Grambois et la Vue Panoramique
Le dernier jour de Léa en Provence s’annonçait radieux. Après une semaine de soleil éclatant, le ciel était d’un bleu pur, promettant une journée estivale parfaite.
Marius et Jeannette avaient réservé une table au restaurant « Poivre Rose » à Grambois pour un déjeuner d’adieu.
- « Il faut absolument que vous découvriez Grambois avant de partir, Léa ! » avait insisté Marius la veille.
- « Et le Poivre Rose, c’est un régal, et la vue du haut de Grambois est à couper le souffle ! »
Après une dernière matinée paisible passée entre la piscine et à flâner sur la terrasse de sa chambre, à profiter des derniers instants de calme et de soleil provençal, Léa rejoignit Marius et Jeannette pour le départ vers Grambois. Le village, perché sur sa colline, se dévoila au fur et à mesure qu’ils approchaient, telle une forteresse de pierre dominant la vallée.
Le restaurant « Poivre Rose » était à la hauteur de sa réputation. Installé dans une ancienne maison de village, il offrait un cadre idyllique, avec sa terrasse ombragée et sa vue panoramique époustouflante sur la vallée d’Aigues et le Luberon. La table réservée par Marius et Jeannette était idéalement située, en bord de terrasse, offrant un point de vue imprenable.
- « Alors, Léa, ça vous plaît ? » demanda Marius, les yeux brillants de fierté provençale.
- « C’est… c’est magnifique, Marius ! Vous aviez raison, la vue est incroyable ! »
Léa était transportée par la beauté des lieux, d’autant plus qu’elle avait rêvé de les explorer depuis son arrivée. Le spectacle qui s’étendait devant elle était tout simplement sublime, une véritable œuvre d’art : des champs de lavande à perte de vue, aux couleurs envoûtantes, des vignes ondulantes, et le Luberon, majestueux, avec ses nuances de vert bleuté, en arrière-plan. Çà et là, des touches de jaune vif, des champs de tournesols dansant sous un léger Mistral, venaient illuminer le paysage. C’était un tableau parfait, un cadre idéal pour un déjeuner de rêve, un moment inoubliable !
La cuisine du Poivre Rose se révéla à la hauteur du cadre. Des plats raffinés, aux saveurs provençales authentiques, mirent en éveil les papilles de Léa. Salade de rougets à la tapenade, agneau de Sisteron aux herbes, tarte aux figues et miel de lavande… Chaque plat était une explosion de goûts et de parfums. Le rosé frais, fruité et léger du Château la Dorgonne, accompagnait à merveille ce repas d’été.
Au fil du déjeuner, la conversation alla bon train. Marius, toujours aussi chaleureux et blagueur, racontait des anecdotes sur la région, sur les traditions provençales, sur les personnages hauts en couleur qui peuplaient le Luberon. Jeannette, plus discrète mais toujours souriante, apportait des précisions historiques, des détails culturels, enrichissant les propos de Marius. Léa écoutait, savourait chaque instant, consciente de la magie de ce moment présent.
À un moment donné, alors que Marius racontait une histoire amusante sur un « renard » qui avait dévalisé un poulailler du village voisin, une phrase, anodine en apparence, résonna particulièrement en Léa. « … Et le vieux fermier, vous savez ce qu’il a dit ? « Le renard a faim, il faut bien qu’il mange ! » Typique d’ici, vous voyez, on accepte les choses comme elles viennent, on ne se prend pas trop la tête ! ».
« On accepte les choses comme elles viennent… » Ces mots simples, prononcés avec l’accent chantant de Marius, firent tilt dans l’esprit de Léa. N’était-ce pas cela, le « secret » du Luberon ? Cette douceur de vivre, cette sérénité, cette capacité à savourer l’instant présent, à accepter les aléas de la vie avec philosophie, sans se laisser submerger par le stress et les angoisses ? N’était-ce pas cela, le changement qu’elle pressentait depuis son arrivée en Provence ?
En contemplant le panorama grandiose qui s’offrait à ses yeux, Léa eut une révélation. Son « secret », ce n’était pas une vérité cachée, un trésor enfoui. C’était beaucoup plus simple et profond à la fois.
C’était une nouvelle façon de voir la vie, de l’appréhender, de la vivre pleinement, ici et maintenant. C’était apprendre à ralentir, à respirer, à se reconnecter à la nature, à ses émotions, à ses désirs profonds.
C’était accepter de lâcher prise, de faire confiance à la vie, de s’ouvrir au changement, comme le loup solitaire qui arpente les montagnes du Luberon, libre et sauvage.
Le Luberon, en l'espace d'une semaine, avait agi comme un révélateur, un miroir de son âme. Il lui avait montré une autre voie possible, un chemin vers une vie plus authentique, plus sereine, plus épanouissante. À elle de décider si elle oserait l'emprunter.
Le retour sur Paris - Le Cœur Léger
L’heure du départ sonna, trop tôt. Après le déjeuner à Grambois, il fallut songer à reprendre la route vers la gare TGV d’Aix-en-Provence. Un pincement au cœur serra la poitrine de Léa au moment de quitter La Bastide-des-Jourdans et la propriété des Terres Longues. Saluer Marius et Jeannette, les remercier chaleureusement pour leur accueil si généreux, fut un moment d’émotion contenue.
- « Revenez quand vous voulez, Léa ! Vous êtes chez vous ici, maintenant ! » lança Marius avec sa jovialité habituelle.
Jeannette la serra affectueusement dans ses bras.
- « À bientôt, Léa. Et n’oubliez pas le loup du Luberon ! »
Durant le trajet en voiture vers la gare, le silence s’installa entre Léa et Marius. Un silence doux, paisible, empreint de complicité. Léa hésita un instant, puis se lança timidement.
- « Marius… je voulais vous remercier… pour tout… et aussi… pour l’histoire du loup du Luberon. »
Marius sourit, un sourire entendu.
- « Alors, le loup vous a parlé, Léa ? »
Léa hésita encore, cherchant ses mots.
- « Peut-être… je crois que oui. En tout cas, il m’a fait réfléchir. Beaucoup réfléchir. »
Elle se tourna vers la fenêtre, regardant défiler les paysages provençaux une dernière fois. Les champs de lavande, les vignes, les oliviers, les villages perchés… Toutes ces images s’imprimaient dans sa mémoire comme des souvenirs précieux, des fragments d'un bonheur simple et profond.
- « Je crois que j’ai compris quelque chose ici, Marius. Un… un secret, peut-être. Le secret du Luberon… et peut-être… mon propre secret. »
Marius ne répondit pas tout de suite. Il laissa un silence s’installer, respectant la profondeur de ses pensées. Puis, d’une voix douce et grave, il dit simplement :
- « Tu sais, Léa, lui dit Marius, le Luberon a le pouvoir de changer les gens. Il a changé ma vie, il a changé celle de Jeannette, il a changé celle de Gabriel… Il peut changer la tienne aussi. »
- « Mais je ne sais pas comment faire »,
murmura Léa, les larmes aux yeux.
Marius lui répondis
- « Écoute ton cœur, il te guidera. »
Arrivée à la gare d’Aix, Léa serra chaleureusement la main de Marius, le remerciant encore une fois pour la gentillesse et la chaleur de l'accueil de Jeannette. Marius, avec un sourire malicieux, lui proposa de l'embrasser en signe d’amitié,
- « Ici, on fait la bise deux fois ! » précisa-t-il.
Léa accepta avec un large sourire qui illumina son visage, dont la peau avait pris en seulement quelques jours une teinte hâlée, témoignage de son immersion dans la douceur de vivre provençale. Puis, avec une pointe de nostalgie, Léa s'engouffra dans le hall de la gare, en attendant de monter dans le TGV qui devait la ramener à Paris.
Le train démarra, et Léa sentit son cœur se serrer. Le contraste entre la douceur de vivre provençale et la réalité de sa vie parisienne était saisissant. Elle allait retrouver la grisaille du ciel, le bruit incessant de la ville, la foule anonyme, le stress ambiant…
Arrivée à Paris, tout lui semblait une agression, une oppression, comme un pays étranger où l'on ne comprend pas la langue. La lumière crue des néons de la gare remplaçait la chaleur du soleil provençal, un soleil qui caressait la peau comme une main douce. Les klaxons des voitures se substituaient au chant des cigales, un chant qui berçait les siestes et les soirées d'été. Et le tumulte de la foule anonyme prenait la place du calme des villages perchés, ces villages qui, comme des nids d'aigle, s'accrochaient aux collines.
Paris, c'était la Tour Eiffel, une flèche de fer qui pointait vers le ciel, symbole de la modernité et de l'audace de l'ingénierie française. C'était une ville de métal et de verre, où les hommes couraient sans but, où les bruits se heurtaient et s'entrechoquaient.
Le Luberon, c'était les villages de pierre, les champs de lavande, les oliviers centenaires. C'était une terre de silence et de lumière, où le temps s'écoulait lentement, au rythme des saisons. C'était une terre de traditions, où les hommes vivaient en harmonie avec la nature.
Paris et le Luberon, deux mondes qui se côtoyaient, mais qui ne se ressemblaient pas. L'un, tout en hauteur et en élégance, représentait la modernité et l'audace de l'ingénierie française. Les autres, accrochés aux collines comme des joyaux, témoignaient d'un passé riche en histoire et en traditions.
Léa se sentait perdue dans cette ville de fer et de bruit. Elle avait soif de soleil, de silence, de nature. Elle avait déjà soif de Luberon et faim de ce sentiment de liberté qu'elle avait si profondément ressentis en Provence.
Pourtant, Léa avait changé. Le voyage en Provence l’avait transformée en profondeur. Elle avait trouvé une part d'elle-même oubliée, une sérénité intérieure qu’elle ne soupçonnait plus exister. Elle repartait avec des souvenirs précieux, le cœur léger et une nouvelle perspective sur sa vie.
L’avenir restait incertain. Léa prendrait-elle des décisions importantes concernant sa vie professionnelle ou personnelle suite à ce voyage ?
Oserait-elle quitter Paris, comme Sophie, pour s’installer en Provence ?
Reviendrait-elle un jour à La Bastide-des-Jourdans, au Mas de Terres Longues retrouver Marius et Jeannette, revoir le loup de Gabriel ?
Le « secret de Léa » serait-il dévoilé clairement, ou resterait-il une transformation intérieure suggérée, une promesse de bonheur enfin possible ?
Quant au loup du Luberon, peut-être l’accompagnerait-il désormais à Paris, tapi au fond de son cœur, veillant sur son chemin, murmurant à son oreille les secrets de la liberté et de la sérénité retrouvée…
Seul l’avenir le dirait.
© 2025 - Marc ARNOUX